samedi 23 août 2008

I) Presentation de la Theorie Generale (Universelle) des Systemes


La Théorie des Systèmes, dite Théorie Générale (Universelle) des Systèmes par Jacques Eugene est ce que l’on peut appeler, selon un certain nombre d’auteurs, le nouveau paradigme de la science aujourd’hui. A ce paradigme, correspond une authentique révolution scientifique comparable à celle du XVII° siècle. Ses composantes sont les suivantes :
  • Éclosion en parallèle dans un grand nombre de secteurs scientifiques.
  • Dépassement du mouvement analytique cartésien, en fait, il serait plus exact de parler d’un véritable coup de grâce porté à l’épistémologie classique. La forme de pensée analytique devenant une simple étape du processus scientifique.
  • Application à tous les domaines de la science avec des outils communs. Aspect unificateur entre science dites classiques (Mécanique, Physique, ...) et sciences dites modernes (sciences sociales, humaines, biologie, ...).
  • “ Effet d’interface ” entre la Science et la Philosophie. En cela la Systémique se situe donc pleinement dans le champ de l’épistémologie et de la philosophie avec notamment l’une de ses théories apparentées, le Structuralisme.
  • Opposition aux concepts platoniciens et rapprochements avec certains concepts aristotéliciens.
Pour des raisons pratiques nous appellerons « Systémique » la TG(U)S dans la suite de cet essai.

I-1) Des précurseurs de la Systémique dès l'Antiquité :

On observe dans l’Antiquité une vision relativement holiste, globale, du monde. Héraclite en est un bon exemple. Chez les civilisations préscientifiques il est courant d’avoir une approche animiste, ou magique, globale (la nature, la terre, est vue comme maternelle chez les Indiens d’Amérique). Avec Aristote apparaît une vue analytique/synthétique avec découpage de la nature en Substance - Forme - Essence. Puis, Descartes devient le fondateur du mouvement scientifique classique où l’analytique est érigée en méthode (découpage du réel en éléments simples), en opposition affichée à Aristote et aux Scolastiques. Nous reviendrons sur les précurseurs de la Systémique avec les philosophies apparentées à ce nouveau paradigme.

I-2) Les nombreuses origine de la Systémique :

A la même époque que Descartes, au XVII° siècle, on observe avec Leibniz, l’apparition du concept des « Monades ». Les Monades sont des entités formant un tout, recevant des influences limitées de l’extérieur et ayant elles-mêmes une influence limitée sur celui-ci. Les Monades, qui dans l’esprit de Leibniz se rapprochaient des atomes de Démocrite, rappellent à certains égards, par le vocabulaire employé, les Holons grecs ou les Structures des structuralistes. De même Giambattista Vico en Italie peu après Descartes, anticipait les approches systémiques en opposition complète à Descartes mais sans rencontrer son succès. Il faut également mentionner 150 ans auparavant L. de Vinci et son Ingenio.
Au cœur du XIX° siècle cartésien et positiviste on trouve Darwin dont la Théorie de l’Évolution est un exemple remarquable de pensée holistique ou systémique. On y trouve notamment les notions de bouclage rétroactif d’un système ouvert, à savoir l’espèce vivante, par rapport à son environnement. Il ne faut pas oublier non plus E. Galois avec la découverte de la structure de Groupe en mathématiques.
A la fin du XIX° siècle et au XX° siècle on assiste, avec le progrès des sciences, à une extension des idées de systèmes.
Avec le groupe Bourbaki et bien d’autres, les structures en mathématiques sont utilisées à grande échelle pour former ce que l’on appellera les Mathématiques Modernes. Les Bourbaki ont ainsi découvert les trois structures fondamentales jugées irréductibles entre elles. Ce sont les structures algébriques (le groupe), les structures d’ordre (les réseaux), les structures topologiques.
Simultanément le Structuralisme naît dans les pays francophones avec Saussure, Lévi-Strauss, Chomsky, Piaget, etc.… Il est amusant de noter à ce propos que Piaget traite les débuts de l’œuvre de Ludwig Von Bertalanffy, le fondateur de la Systémique, comme le premier essai de structuralisme explicite en biologie. Avec Kohler s’élabore en 1924 la théorie du “ Gelstat ” utilisée en Physique et en Psychologie. En 1925, Lokta s’attaque à un concept de système dans un autre domaine que Kohler, mais en se limitant aux statistiques des populations.
On peut noter des réflexions quasi systémiques et des références à la cybernétique chez A. Korzybsky dès 1933 dans ses incomprises offensives anti-aristotéliciennes... Au même moment G. Bachelard en France ouvrait la voie au Constructivisme.
Par un certain nombre d’articles L. Von Bertalanffy va amener et développer l’idée d’une théorie plus généralisée des systèmes. Von Bertalanffy est philosophe et diplômé de biologie théorique ce qui a dû lui permettre de se trouver à une sorte de carrefour des sciences. La biologie était aussi à l’époque une science jeune récalcitrante à l’analyse cartésienne. Voir sur ce point la pseudo opposition entre vitalistes (platoniciens) et mécanistes (cartésiens).
Ce sont ensuite la cybernétique et l’automatisme qui vont éclore à l’issue de la II° guerre mondiale avec notamment N. Wiener en 1948. Toujours en 1948, Shannon, créé la Théorie de l’Information, élément essentiel de la Systémique. Un an avant on voit la publication de la Théorie des Jeux par J. Von Neumann en collaboration avec O. Morgenstern, suivie par la Théorie des Automates (Systèmes Artificiels) en 1951. C’est aussi avec H. Von Foerster et sa « Seconde Cybernétique » que la Systémique va se voir complétée par la naissance d’une véritable nouvelle épistémologie, le Constructivisme épistémologique. H. Von Foerster a fréquenté jeune le Cercle de Vienne dont le néo-positivisme l’a beaucoup marqué, pour ensuite s’y opposer en inventant presque au même moment que L. Von Bertalanffy, mais sans le connaître, la systémique par sa seconde cybernétique pour ensuite aller plus loin encore.
C’est en 1954, enfin, que sera fondée la “ Society for General Systems Research ” par L. Von Bertalanffy, A. Rapoport et K. Boulding, affiliée à l’A.A.A.S. (Association Américaine pour l’Avancement de la Science). Il s’agit alors de donner une unicité à la véritable explosion scientifique qui a lieu. Le programme en 1954 est le suivant :
  • Rechercher les isomorphismes (analogies) de concepts, lois et modèles dans des domaines variés et favoriser les transferts,
  • Encourager le développement de modèles théoriques adéquats,
  • Minimiser les répétitions des efforts théoriques d’un domaine à un autre,
  • Promouvoir l’unité de la science.

I-3) Diffusion de la Systémique :
 
La Systémique a non seulement touché les sciences exactes (physique, chimie,…), mais a aussi atteint les sciences naturelles (médecine, biochimie, biologie, naturalisme,…) et les "sciences" humaines (sociologie, psychologie, économie,gestion, thérapie familiale, …) car celles-ci ont encore plus besoin d’une nouvelle approche dans une sorte de convergence épistémologique. La diffusion de la Systémique est assurée en France aujourd’hui par l’AFCET et par « Modélisation de la Complexité - Association pour la Pensée Complexe (MCX - APC).

Benjamin de Mesnard