samedi 27 décembre 2008

III) Théories alliées à la Systémique (Darwin et Bachelard)

III-2-6) Darwin (1809-1882)

Darwin est incontestablement l’un des premiers -ou le premier ?- scientifique ayant utilisé en pratique les concepts de la Systémique… bien avant sa conceptualisation. Il a en effet clairement utilisé pour sa théorie de l’évolution des espèces vivantes la plupart des concepts clefs explicités plus haut, en faisant parfaitement la différence entre l’individu et l’espèce, espèce qui en l’occurrence joue bien le rôle de système principal selon les définitions de la Systémique. Cela explique probablement pourquoi il a eu autant de mal à se faire comprendre au sein d’un XIX° siècle mécaniste, cartésien et pour finir positiviste.
Il faut lui rendre hommage en cela car l’étude de son œuvre ne cesse pas de surprendre à l’égard de la haute maîtrise qu’il avait de tous les concepts systémiques.
On retrouve chez Darwin en effet les concepts de systèmes ouverts, de bruit -les mutations-, de systèmes en inter-actions, d’équilibre ergodique –l’adaptation-, et d’auto-finalité, dernier point sur lequel il a été le plus attaqué à son époque et ensuite par les cartésiens. L’Église Catholique qui l’a attaqué sans cesse et le refuse encore aujourd’hui, n’a pas vu ce rapprochement avec Aristote et Saint Thomas d’Aquin sur le point de la finalité, croyant que Darwin soutenait des thèses mécanistes fortes alors qu’il avait réintroduit la finalité, sous une approche bien sûr différente des Thomistes car sous la forme d’équifinalité, voir (III-2-1), utilisée par la Systémique. Ce débat est toujours ouvert aujourd’hui, mais il est clair que l’Église Catholique et plus encore les Évangélistes gagneraient à se former à la Systémique et à Aristote afin de réétudier leurs positions sur Darwin…
Actuellement le darwinisme, ou la sélection naturelle, est utilisé en R&D pour créer d’une manière aléatoire des types de robots marcheurs, puis les sélectionner par essais/erreurs (virtuels simulés par ordinateur à grande vitesse) amenant l’élimination sans intervention humaine des moins efficaces. Ces robots, issus d'une sélection naturelle inintentionelle et non d’un cerveau humain, donnent des résultats meilleurs que les robots conçus par des ingénieurs. Des architectures de circuits électroniques sont conçues en s’appuyant sur ce même procédé. Celui-ci donne en final un résultat que certains ne peuvent s’empêcher de qualifier « d’ingénieux » alors que précisément nul ingénieur n’est intervenu dans la conception de ces robots ou circuits électroniques !
Concernant cette proximité entre Darwin et le Constructivisme épistémologique, on peut citer par exemple J. D. Raskin dans un article intitulé « The Evolution of Constructivism », jeu de mot indiquant que le Constructivisme épistémologique est en train d'évoluer, de se rapprocher, des théories de Darwin. Après avoir rappelé que la théorie de l'évolution est aussi appelée théorie de la sélection, il résume celle-ci par « BVSR » : blind variation and selective retention, c'est à dire variations aveugles puis rétention sélective. Les variations aveugles viennent des mutations, pas forcément aussi aléatoires que l'on aurait pu le penser (car dépendant aussi du milieu, de l'environnement), mais se produisant bien en aveugle, c'est à dire sans intention « divine » et arrivant sans avoir été « testées » par la nature. Ces variations aveugles si elles sont favorables pour les individus et/ou l'espèce, dans leur environnement à ce moment là, et donc « testées avec succès » seront alors retenues et se propageront. J.D.Raskin fait le rapprochement entre la BVSR darwinienne et la Systémique en décrivant ce même processus dans la construction de nos idées, connaissances ou théories : « But Campbell extends evolutionary thinking into the psychological and social realms, contending that BVSR is “fundamental to all inductive achievements, to all genuine increases in knowledge, to all increases in fit of system to environment” (Campbell, 1974, p.421). Not only have people evolved biological structures, but also those structures have given rise to psychological capabilities—such as the ability to psychologically construe events. This evolved ability to construe also allows people to evolve their constructs during the course of their existence. Further, just as psychological perspectives evolve, social institutions also evolve. » [RASKIN, 2008].

III-2-7) Gaston Bachelard (1884-1962)

Gaston Bachelard est défini par JL Le Moigne comme un précurseur du Constructivisme épistémologique notamment dans ses différents ouvrages sur la « Philosophie du Non » et sur « Le Nouvel Esprit Scientifique » où il a clairement repositionné le problème de l’évolution des sciences. Pour lui, ces évolutions ne se font pas progressivement par étapes successives et continues, mais se font au contraire par crises, rejets des positions précédentes souvent dans le but de tenter « d’expliquer » une observation ou un test réfutant la ou les théories dominantes du moment –le paradigme aurait dit T. Kuhn- mais qui du fait de leur apparente solidité peut bloquer, empêcher la révolution scientifique nécessaire de s’accomplir. Il faut citer à nouveau ici la phrase de G. Bachelard « Rien n’est donné, tout est construit » qui souligne bien qu’il voyait les sciences dans une construction/destruction perpétuelle comme décrit plus haut, et non comme quelque chose qui pouvait se contenter de recueillir un réel donné. La science est donc dans la démarche de « destruction créatrice » de Joseph Schumpeter. Position éminemment propre à la Systémique bien naturellement, en particulier sur la méthode consistant à « découper » dans le réel arbitrairement mais d’une manière consciente et délibérée comme décrit en (II-3-6-b) le « morceau » à étudier. G. Bachelard a su dépasser le débat empirisme/rationalisme, voir le (V-3).
Il a insisté sur le projet, typique du Constructivisme épistémologique : « Au-dessus du sujet, au-delà de l’objet, la science moderne se fonde sur le projet. Dans la pensée scientifique, la méditation de l’objet par le sujet prend toujours la forme du projet » [BACHELARD, Gaston, 1940, p15], où l’on retrouve l’ingénium de G. Vico.
Il a rétabli l’équilibre (dynamique !) entre Idéalisme et Réalisme-Empirisme. Cette fausse opposition, comme décrit plus loin (voir V-3) doit être dépassée dans une démarche que l’on peut qualifier de constructiviste épistémologique, qu’il appelle « Rationalisme appliqué et Matérialisme technique ». Je cite : « En fait, ce chassé-croisé de deux philosophies contraires en action dans la pensée scientifique engage des philosophies plus nombreuses (...) Par exemple, on mutilerait la philosophie de la science si l’on n’examinait pas comment se situe le positivisme ou le formalisme. (…) Une des raisons qui nous fait croire au bien-fondé de notre position centrale, c’est que toutes les philosophies de la connaissance scientifique se mettent en ordre à partir du rationalisme appliqué. Il est à peine besoin de commenter le tableau suivant, quand on l’applique à la pensée scientifique :

Idéalisme
^
|
Conventionnalisme
^
|
Formalisme
^
|
Rationalisme appliqué et Matérialisme technique
|
v
Positivisme
 |

v
Empirisme
 |

v
Réalisme
Indiquons seulement les deux perspectives de pensées affaiblies qui mènent, d’une part, du rationalisme à l’idéalisme naïf et, d’autre part, du matérialisme technique au réalisme naïf. » [BACHELARD, Gaston, 1934, p 115-116 tiré de « Le Rationalisme Appliqué », PUF 1970, pp. 4-7]. Ainsi l’activité scientifique doit rester à l’équilibre entre deux position extrémistes chères au philosophe qui, comme l’explique fort bien Bachelard : « par métier trouve en soi des vérités premières, l’objet pris en bloc n’a pas de peine à confirmer des principes généraux. […] Alors une seule vérité suffit à sortir du doute, de l’ignorance, de l’irrationalisme, elle suffit à illuminer une âme. […] L’identité de l’esprit dans le « je pense » est si claire que la science de cette conscience claire est immédiatement la conscience d’une science, la certitude de fonder une philosophie, un savoir. » [BACHELARD, Gaston, 1934, p121]. Attaque frontale du Cartésianisme s’il en est ! On retrouve ici plusieurs thèmes de la Systémique :
  • l’équilibre (dynamique ponctué bien sûr) entre les positions extrêmes tenues par certains philosophes mais aussi implicitement conservées par beaucoup de scientifiques. Le constructivisme épistémologique cherchera, comme vient de le décrire Bachelard, a rester entre les deux dans une démarche pragmatique de rationalisme appliqué, et non universel, pour ne pas dire de rationalisme limité.
  • La prudence, comme recommandé par G.B. Vico, à ne pas confondre avec le doute cartésien qui aboutit précisément à l’inverse en fait, car ne servant qu’à introduire subrepticement la tabula rasa, le soi-disant point fixe du « je pense ». Ainsi « La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. » [BACHELARD, Gaston, 1934, p 16 tiré de « La Formation de l’Esprit Scientifique  », J. VRIN 1967], qui rejoint la nécessité de ne pas ignorer notre ignorance en restant modeste dans son approche…. Thème repris par K. Popper et F. Hayek (voir III-2-8 et III-2-14).
SUITE du Blog : Théories alliées à la Systémique (K. Popper)

Benjamin de Mesnard
 Épistémologie Systémique Constructivisme

samedi 13 décembre 2008

III) Théories alliées à la systémique (Pascal et Vico)

III-2-4) Pascal (1623-1662)

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur Pascal dont on peut rappeler cette citation : « Donc toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates et toutes s'entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties. » [PASCAL, Blaise, 1852, p 15].
Cette citation pourrait parfaitement être utilisée aujourd’hui comme définition de la Systémique. Elle synthétise tout ce qui caractérise l’approche Systémique. Enfin rappelons-nous de ce qu’a dit Pascal sur Descartes : « Descartes inutile et incertain ».
On pourrait ajouter sur Pascal, qu’il était en fait allé plus loin que Descartes, tant sur le plan mathématique que philosophique. En particulier, Descartes, ébloui en quelque sorte par son succès, a considéré qu’il avait compris son propre esprit et le monde et a commencé à développer les thèses scientistes reprises par Laplace et amenée à leur maximum avec le positivisme et A. Comte. Au contraire, Pascal a entrevu la dimension infinie de l’espace et du temps dépassant de loin les capacités humaines : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » [Pensée 187]. Il a compris l’extrême complexité du monde dans lequel nous nous trouvons, et la faiblesse de nos moyens matériels et spirituels. En cela il donc bien anticipé la Systémique dans cette dimension « modeste » du savant comparé à la dimension et la complexité du monde, ainsi que le problème de la rationalité limitée. Loin de renoncer à la science, il a continué son œuvre mais dans une perspective opposée à celle de Descartes et son approche « triomphante ».
Par ailleurs, il a repris l’approche par de multiples points de vues de Leibniz, insistant sur le fait qu’il faut multiplier ceux-ci pour comprendre une chose terrestre, du fait de la relativité du monde et pour « s’ouvrir à l’infini ». Ainsi, et contrairement à Descartes dans les domaines scientifiques Pascal ne prétends pas utiliser une méthode générale simple. Au contraire, au-delà des multiples points de vues, il n’hésite pas à adopter pour chaque problème étudié une approche spécifique pragmatique sans revendiquer de solutions générales absolues, ni encore moins une Vérité absolue. Il emploiera une approche, les « hexagrammes », pour l’étude des coniques, et une autre complètement différente pour démontrer l’existence du vide, etc... Il a donc devancé la Systémique et ses découpages ad-hoc construits à partir du réel en vue d’élaborer des modèles scientifiques. La Systémique a repris cette idée d'approches multiples comme centrale, elle sera plus développée en (III-3-6) et en (VI-14).
Enfin, il a fait le troisième choix -repris par la Systémique-, entre le besoin du point fixe, référence absolue, fondement stable et inébranlable sur lequel tout se construit –cher à Descartes- et le relativisme absolu où toute connaissance est vaine car « tout coule tout s’écoule » (Héraclite) qui conduit à l’abandon intellectuel, au repli sur soi et au désespoir. C’est le troisième choix orthogonal si l’on peut s’exprimer ainsi, qui consiste « à aller au-delà de la croyance et du désespoir » (B. Vergely) pour découvrir une réalité infinie, complexe, « sphère infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part » comme le dit Pascal. On retrouve ici la récursivité Systémique décrite en (II-3-5) et la maison « comme une construction bâtie sur pilotis » de K. Popper [POPPER Karl, 1984, p 111], qui accepte délibérément une construction certes branlante et pouvant tomber à tout moment sous les coups d’une preuve réfutant la théorie, mais qui va malgré tout entreprendre cette construction en écartant sciemment à la fois le point soi-disant fixe si rassurant, et le désespoir. Enfin, il a anticipé l’épistémologie de K. Popper dans une lettre au Père Étienne Noël : « Pour faire qu’une hypothèse soit évidente, il ne suffit pas que tous les phénomènes s’en ensuivent, au lieu que, s’il s’ensuit quelque chose de contraire à un seul des phénomènes, cela suffit pour assurer de sa fausseté ». Il avait compris qu’une théorie, une hypothèse ne pourrait jamais être prouvée vraie, même après avoir passé N tests ou expériences avec succès. A l’inverse il suffit qu’un seul nouveau test soit en désaccord avec la théorie pour que celle-ci puisse être déclarée fausse.

III-2-5) G.B. Vico (1668 - 1744)

G.B. Vico, est un italien qui a vécu juste après Descartes et s’est opposé violemment à lui. Il est probable que s’il avait été français et écrit en français, l’épistémologie, voir même les sciences occidentales, auraient pris une toute autre tournure et nous aurions pu gagner peut-être deux siècles. Auteur d’un ouvrage resté ignoré jusqu’à assez récemment : « Principi di scienza nuova d’intorno alla comune natura delle nazioni » en 1725 et auteur de l’idée d’une science nouvelle. Il est la référence historique du Constructivisme épistémologique, comme Descartes l’est de l’empirisme positiviste. Il professe que le cœur des sciences est « l’ingenium » et non la découverte de faits préexistants. L’ « ingenium » rejoint tout à fait l’ingenio de Léonard de Vinci 150 ans plus tôt, où la science doit être invention de modèles créatifs, dynamique d’hypothèses construites (d’où le nom de constructivisme) à vérifier scientifiquement (réfuter avec K. Popper).
Comme l’explique G.B. Vico, Descartes veut appliquer la « méthode géométrique » à toutes les sciences, c’est-à-dire la méthode utilisée pour la géométrie. Or, si cette méthode est soit-disant efficace pour des choses créées par l’homme de toutes pièces (la géométrie), dans les autres sciences, où il s’agit de tirer les lois universelles du monde réel auquel nous sommes confrontés et qui n’ont pas été créé par nous, cette méthode ne fonctionnera plus. Ainsi G.B. Vico dit « C’est pourquoi ces propositions de physique, qui sont présentées comme vraies en vertu de la méthode géométrique, ne sont que vraisemblables, et, de la géométrie, ne tiennent que la méthode, et non la démonstration : nous démontrons les choses géométriques, parce que nous les faisons ; si nous pouvions démontrer les choses physiques, nous les ferions. » [VICO, GiamBattista, 2001, p 51]. Bien au contraire cette démonstration géométrique chère à Descartes et au Positivisme amènera à une stérilisation certaine pour deux raisons :
  • Application d’une démarche dite « internaliste » d’introspection chère à Descartes, le « je pense donc je suis », légitime (???) pour la géométrie invention humaine, mais non à un secteur scientifique dont le but est de comprendre le monde physique et donc externe. Les théories scientifiques tentant de comprendre le monde doivent donc relever de la démarche « externaliste » défendue par J.B. Vico, et la Systémique, car s’appuyant sur un monde qui est externe à l’observateur, même si cet observateur fait bel et bien, partie de ce monde. Pour employer une image, ce n’est pas en observant et en analysant son esprit par introspection cartésienne, que l’on fera de l’astronomie…
  • Application de la démarche déductive positiviste où le but est de trouver le vrai, référence absolue, et donc LA théorie scientifique validée comme vraie. G.B. Vico par contre rétabli l’équilibre aristotélicien, il remet la démarche scientifique sur ses deux jambes. Il utilise la 1° phase d’imagination, de création, et d’induction nécessaire à l’apparition des nouvelles théories sans rejeter la 2° phase qui suit, caricaturée par Descartes. Dans cette 2° phase il s’agira de s’assurer de la vraisemblance de la théorie mais sans prétendre atteindre la vérité absolue, le point fixe. On retrouve donc très clairement ici à la fois Bachelard avec sa flamme vacillante des connaissances, Kant et K. Popper avec la maison sur pilotis et à nouveau K. Popper avec son critère de réfutabilité des théories –qui va plus loin que G.B. Vico-, et bien sûr la Systémique actuelle.
Sur ce point il faut citer G.B. Vico : « Pour éviter l’un et l’autre défauts, je serais donc d’avis d’enseigner aux jeunes gens tous les arts et les sciences en formant leur jugement de façon complète, afin que la topique enrichisse leur répertoire de lieux communs et que, tout en même temps, ils se fortifient, grâce au sens commun, dans la prudence et l’éloquence, et s’affermissent, grâce à l’imagination et à la mémoire, dans les arts qui reposent sur ces facultés de l’esprit. Qu’ils apprennent ensuite la critique, et qu’ils jugent alors, sur nouveaux frais et avec leur propre jugement, les choses qu’on leur a apprises, et s’exercent à raisonner sur elles en soutenant les deux thèses opposées. » [VICO, GiamBattista, 2001, p 48 et 49]. Il s’agit bien de ne rejeter aucune des deux phases, mais au contraire de les exercer l’une et l’autre puis de revenir à la première en boucle rétroactive : c’est la dialogique d’E. Morin dès le XVIII° siècle…
Par ailleurs G.B. Vico réhabilite la praxis des grecs antiques. Pour Descartes la science doit être un ensemble de théories valides par elles-mêmes, par leurs logiques internes (autre forme d’internalisme), vraies dans l’absolu, comme l’est la géométrie. Dans l’approche vichienne, la science doit plutôt être le soutien d’une praxis, d’une pratique, une aide au praticien, comme c’est le cas de la biologie pour la médecine, (n’oublions pas que L. Von Bertalanffy était biologiste…).
Enfin G.B. Vico attache une très grande importance à la prudence, thème souvent repris dans cet essai. C’est la reprise de la phronèsis d’Aristote et de la prudencia des Romains comme le rappelle A. Pons. Pour Vico, le chercheur doit avancer dans le domaine du vraisemblable, et non du certain, face à un monde externe, et non interne, qu’il lui est imposé, qui le dépasse et qu’il ne maîtrise pas, mais qu’il tente –seulement et modestement- de comprendre avec prudence sans sauter trop vite à des conclusions en voulant s’appuyer sur l’évidence cartésienne. Enfin cette prudence est à opposer au doute cartésien. Le doute cartésien ne doit pas être rapproché de la prudence aristotélo-vichienne, il relève en réalité d'une démarche opposée : le doute cartésien est donné comme systématique, mais le problème est qu'il ne dure que le temps d'une phrase, il ne relève donc pas d'une démarche. En effet tout d'abord il disparaît comme par magie subitement dès la phrase suivante devant l'évidence (de quoi et pourquoi ?) ; ensuite la prudence s'inscrit dans une véritable démarche, une méthode, qui est la délibération, la dialogique, l'adoption de multiples points de vue, en l'occurrence ceux des autres sages (Aristote) ou des autres scientifiques (constructivisme) au cours d'une procédure de dialogique volontaire et suffisamment longue. Car « quand on délibère, on y met souvent beaucoup de temps; et l'on dit ordinairement que, s'il faut exécuter rapidement la résolution qu'on a prise après délibération, il faut délibérer avec lenteur et maturité. » [ARISTOTE, 1992 p 255].

SUITE du Blog : Théories alliées à la Systémique (Darwin et Bachelard)

Benjamin de Mesnard