jeudi 29 octobre 2015

V-13) Finalisme versus Mécanisme


Le finalisme, soutenu entre autres par Aristote comme vu plus haut via la cause finale, affirme que tout être-système naturel est dirigé depuis -comme aspiré par- son futur propre, vers son état final. De ce type de pensée découlent un certain nombre de croyances fatalistes, considérant que le futur est déjà plus ou moins écrit. Beaucoup de religions monothéistes ou polythéistes et leurs églises défendent cette approche. Cela se comprend car c’est bien sûr la main de dieu –ou des dieux- qui est vue derrière la cause finale, de la même manière que la main de l’ingénieur se voit derrière un système artificiel. Tout devient alors simple : les systèmes naturels sont assimilables aux systèmes artificiels, seuls leurs créateurs diffèrent. Le mécanisme considère au contraire que chaque être ou objet naturel n’est que le résultat de causes matérielles identifiables, sans qu’aucun être ou objet naturel ne s’inscrive dans une finalité. Le débat pour les objets artificiels ne se pose pas, l’ingénieur humain ayant créé cet objet faisant clairement fonction de cause finale. Ces deux positions se sont très violemment opposées au cours de l’histoire. Elles semblent encore aujourd’hui poser un clivage fort en philosophie ou en épistémologie. Le structuralisme l’a évité en niant le temps, comme le platonisme avant lui. Le Marxisme l’a posé au contraire en termes les plus puissants par la sur-détermination de l’histoire des classes via les infrastructures historiques, où le destin de la classe ouvrière est inévitablement de prendre le pouvoir (la dictature nécessaire et inévitable du prolétariat)... mais sans jamais démontrer pourquoi et en quoi le prolétariat devait ainsi gagner. De même le Nazisme posait à priori la suprématie de la « race » aryenne dirigée par la cause finale consistant à soutenir qu'elle était destinée à dominer l'ensemble de la planète à la fin de l'histoire. On voit bien que la cause finale sous la forme Historiciste se développe toujours à travers des régimes totalitaires, comme le démontre par exemple K. Popper dans « La Société Ouverte et ses Ennemis ». A l'inverse, ce sont les régimes démocratiques et libéraux qui ne seront pas Historicistes, ne rechercherons pas la thèse d'une cause finale, d'un destin grandiose particulier. Du côté de la science moderne, à partir de la Renaissance, celle-ci n’a pu se développer qu’en luttant vigoureusement contre le finalisme de l'antiquité (celui d'Aristote notamment) et du Moyen-âge (celui de Thomas d’Aquin entre autres). Comme le décrit T. Kuhn, la science moderne s’est trouvée un paradigme -le mécanisme- et a dû lutter violemment (rappelons-nous le malheureux Galilée et plus encore G. Bruno condamnés par l’Église Catholique) pour parvenir à s’imposer contre l’ancien paradigme. La cause finale a donc été rejetée en bloc, imposant un mécanisme caricatural, même lorsque soutenu par de grands savants comme Laplace ou Newton. Cela se comprend car en effet il est probable que le finalisme « proposant » une raison évidente au comportement des systèmes naturels (dieu ou les dieux) bloque de fait toute réflexion et besoin de comprendre ce qui fait bouger, agir ces systèmes.

Apport de la Systémique : La Systémique applique le précepte téléologique : interpréter l'objet non pas seulement en lui-même, en le disséquant, mais aussi par son comportement. Il faut donc comprendre ce comportement et les ressources qu'il mobilise par rapport aux projets que, librement, le modélisateur attribue à l'objet. Ceci est la démarche suivie par la Systémique tant pour les systèmes artificiels intentionnels (ce qui ne pose pas de débat philosophique) que pour systèmes inintentionnels naturels ou artificiels (société, économie,...). La Systémique réponds ainsi à sa manière à la question philosophique du Finalisme opposé au Mécanisme. Aujourd’hui, avec la nouvelle approche de la Systémique, il s’agit de lutter (au sens de T. Kuhn) à la fois contre les deux approches purement finalistes et mécanistes, surtout dans leurs versions idéologiques politiques ou religieuses, pour imposer le méta-paradigme systémique. A nouveau, Mécanisme et Finalisme pourront être vus comme des outils de pensée heuristiques, utiles à certaines étapes de l’étude, à manier sans idéologie, avec une prudence toute vichienne comme décrit en (II-3-6-b) et en écartant tout scientisme positiviste ni présomption fatale comme demandé par F. Hayek.

 SUITE du Blog : V-14) Âme versus Esprit versus Corps

Benjamin de Mesnard
Épistémologie Systémique Constructivisme