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vendredi 1 mai 2009

IV) Théories opposées à la Systémique (IV-3 R. Thom et IV-4 A. Comte)

IV-3) René Thom et le néo-platonisme

René Thom a plus récemment repris et modernisé les concepts de Formes en soutenant, comme Platon, que celles-ci ne pouvaient appartenir qu’à un monde séparé du nôtre. En employant de nombreux exemples, comme ceux donnés par des formes animales identiques au cours des âges géologiques et de l’évolution, il montre que les mêmes formes d’animaux peuvent revenir. Il a bien montré les phénomènes bien réels de bifurcations où un organisme quelconque peut évoluer vers plusieurs voies différentes puis séparées, l’une d’elles étant « choisie » éventuellement à l’issue d’une suite d’événements fortuits. Cette voie « choisie » -ou sélectionnée- donnera alors lieu à une Forme précise qui pourra être suffisamment stable pour durer des millénaires. Par beaucoup de points ce qui a été explicité par René Thom est réutilisable directement par la Systémique, tout comme le réductionnisme, en tant que outil intermédiaire, une étape. Ainsi c’est le cas de la théorie des bifurcations qui permet d’achever de réintégrer l’évolution des Formes –alias structures- que le structuralisme avait tellement eu de mal à traiter. Par contre, par ses positions affichant la nécessité selon lui de « ranger les Formes dans un monde séparé des Idées » (dixit), sous prétexte de la répétition de ces Formes au cours du temps, le met définitivement du côté des (néo) platoniciens.
Cependant, la « théorie des catastrophes » de R. Thom est des plus intéressantes. Elle semble apporter en effet une proposition de solution à la problématique de l’évolution des formes/ structures/ systèmes vues d’un côté comme trop stables et devant pourtant donner lieu à de nouvelles formes/ structures/ systèmes par la suite. Cette théorie explique qu’il y a bien des phases de stabilité, entrecoupées de transitions de phases. Des cassures vont se produire, sur la base d’évènements fortuits, certains disparaissant sans laisser de trace, d’autres se figeant en étant déterminant pour la forme future.

IV-4) Auguste Comte et le Positivisme

A. Comte refuse le fait qu’il puisse exister des connaissances à priori, les sciences ne pouvant se faire que sur des observations de la réalité étudiée. C’est une forme de rationalisme poussé à son extrême, voire idéologique, doublé d’un déterminisme absolu, la science étant mesure de toutes choses, devra remplacer à terme les religions. A. Comte y ajoute une vision mécaniste, où tout phénomène peut se ramener à des lois naturelles invariables simples, c’est le réductionnisme positif. Sont bien sûr rejetés les causes premières ou causes finales aristotéliciennes. Enfin, le Positivisme affirme pouvoir atteindre les Vraies Lois de la Nature grâce à la Science, découvrir le Vérité avec un grand "V". On parle alors en matière d’expérimentation scientifique de « vérificationnisme » : si une expérimentation sur une prédiction d’une théorie est vérifiée par l’expérience, alors la théorie est dite vérifiée c’est à dire Vraie et il est inutile de faire d’autres expériences. Cette croyance est encore très répandue dans la grand public aujourd’hui. On peut même voir des raisonnements sur ce point complètement à l’inverse du raisonnement adéquat, c’est à dire Poppérien. Alors que pour Popper il suffit d’une expérience (sérieuse et valide car approuvée au sein de la communauté scientifique) invalidant la théorie pour rejeter la théorie, pour les Positivistes c’est l’inverse : si une expérience ne corresponds pas à la théorie, il faut recommencer une autre expérience, si celle-ci est conforme avec la théorie, la théorie est alors validée. C’est le cas par exemple pour l’Homéopathie : « Et, au risque de choquer certains, on peut signaler ici la mémoire de l’eau » : qu’on l’accepte ou non, on doit scientifiquement admettre qu’un jour ou l’autre l’homéopathie sera infirmée ou confirmée. Dans le second cas, ce serait évidemment une magnifique « révolution scientifique » [MOUCHOT Claude, « Méthodologie, Scientificité et Sciences Sociales », Recherche en Soins Infirmiers n° 50, p 28]. Alors que l’Homéopathie a déjà été mainte fois invalidée expérimentalement et donc réfutée ! Ici ce « penseur » considère que si l’Homéopathie n’a pas encore été confirmée (car en l’occurrence elle a été bel et bien réfutée !) , elle le sera peut-être demain par une Nième expérimentation et ce sera alors une confirmation, une vérification définitive de cette « science ». On voit donc bien l’opposition radicale avec Aristote mais également la Systémique et la forte parenté avec Descartes (et le Marxisme comme on va le voir). K. Popper a tenté de corriger le Positivisme par le Positivisme Logique avant de rejeter les deux. Aujourd’hui le Positivisme de A. Comte est qualifié de Scientisme. Enfin J.L. Le Moigne dans ses différentes œuvres sur le Constructivisme attaque vigoureusement le Positivisme, notamment pour son impact sur l’organisation de l’enseignement, en particulier l’enseignement supérieur, qui tend à donner la priorité absolue aux sciences dites dures (mathématiques, physique, chimie,…) et à considérer les autres domaines (sociologie, psychologie,…) comme secondaires ou même inférieures, même si -comme l'a montré K. Popper- elles ne sont pas des sciences au sens strict puisque non réfutable. A. Comte est allé très loin dans ces positions puisqu'il a été jusqu'à vouloir faire de la science une religion... On est alors très loin de la prudence/phronésis de Vico et Aristote, du juste milieu, de la modestie et de la Rationalité limitée !

SUITE du Blog : Théories opposées à la Systémique (Dialectique)

Benjamin de Mesnard

samedi 6 septembre 2008

II) Présentation détaillée de la Systémique (2/8)

II-3) Les Concepts de Base :

II-3-1) Totalité et Globalité :


Il faut insister sur la notion de totalité, de globalité en Systémique. Pour cela quelques références :
  • le tout est différent quantitativement et qualitativement de la somme de ses parties ”.
  • non réduction d’un tout à ses parties ”.
  • “ la partie ne s’appartient pas elle-même : elle relève du tout, en tout ce qu’il est ” (Saint Thomas d’Aquin).
Il faudra revenir sur le débat entre l’émergence du tout dû aux inter-relations en jeu dans son organisation et la théorie des Essences chez Aristote, voir plus loin : Émergence en (II-5-1).

II-3-2) Interactions, interrelations :

Ici la causalité linéaire cartésienne cause-effet est abandonnée au profit de multiples formes de relations à l’intérieur ou à l’extérieur d’un système :
• Cause - effet classique :

• Causes en cascades :

• Enchaînement de causes/effets avec effet rétroactif :


• Cause plus retard temporel - effet :


• Rétroaction avec retard temporel : cause A - effet/cause B - effet/cause C - effet/cause B à nouveau avec retards temporels plus ou moins longs voire variables :

• Une rétroaction (feed-back) peut-être positive (amplification ou source de « mutations » ou d’émergences comme nous le verrons plus loin) ou négative (régulatrice ou compensatrice).

• Rétroaction indirecte, avec ou sans retard : plusieurs effets/causes intermédiaires, en cascade, croisées ou non, dans la boucle de rétroaction :


• Rétroaction avec effet de réservoir, ce réservoir étant capable de retenir une certaine quantité de matière, énergie ou information qui pourront être libérés ultérieurement et dans un ordre différent de leur ordre d’arrivée et de stockage.

• Interactions ou rétroactions non linéaires.

• Élément provoquant une cause/effet intermédiaire favorisant une boucle de rétroaction ou un processus, sans être lui-même impacté par ce processus, appelé catalyseur.

L’association de boucles de rétroaction avec des retards temporels provoque de nombreux effets pervers « inattendus » pour les cartésiens. Ce sont ces interactions qui, lorsqu’elles sont prises en comptes, détruisent les solutions abusivement simplificatrices.

Interactions et interrelations sont des concepts clés en Systémique. Car pour prétendre connaître un système, et donc le monde réel, il ne suffit pas de connaître ou identifier les « choses », mais surtout connaître et identifier les relations, interactions et interrelations entre elles. C’est ce que souligne H. Poincaré : « Ce que [la science] peut atteindre, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, comme le pensent les dogmatistes naïfs, mais seulement les rapports entre les choses ; en dehors de ces rapports, il n’y a pas de réalité connaissable. ». [POINCARÉ Henri, La science et l’hypothèse, Paris, Flammarion, 1902, p. 25]. Il ajoute : « La science, en d’autres termes, est un système de relations. Or, c’est dans ces relations seulement que l’objectivité doit être cherchée. [..]. Dire que la science ne peut avoir de valeur objective parce qu’elle ne nous fait connaître que des rapports, c’est raisonner à rebours, puisque précisément ce sont les rapports seuls qui peuvent être regardés comme objectifs. ». [POINCARÉ Henri, La valeur de la science, Paris, Flammarion, 1905, p. 181]. De même avec L. von Bertalanffy : « La science n’a rien à faire avec l’« essence interne » des choses ; elle s’occupe exclusivement des « lois », des relations formelles existant entre les « choses ». » [Bertalanffy L. von, « Theoretische Biologie – Band I: Allgemeine Theorie, Physikochemie,Aufbau und Entwicklung des Organismus », Berlin, Gebrüder Borntrager, 1932, p. 24.].

II-3-3) Organisation :

C’est à l'intérieur de l’organisation du système que des interactions peuvent être relevées. On observe deux aspects : l’aspect structurel (organigramme) et l’aspect fonctionnel (programme).
Pour certains auteurs le structurel est ce qui demeure fixe, permanent, en fait plus exactement qui évolue par crises, par bonds, comme l’a montré le platonicien René Thom. Le fonctionnel évoluant continûment (ou discrètement au sens mathématique ou informatique du terme), face à une ou des perturbations extérieures jusqu’à un nouvel état stable de moindre énergie. F. Hayek parle de mouvement lents versus de mouvements rapides pour meiux faire comprendre que cette frontière est floue et qu'il faut se garder de toute dichotomie plato-cartésienne ici encore....
Une organisation peut par ailleurs évoluer sous la pression de son environnement, ou sous sa propre action, c’est le concept du constructiviste épistémologique d’E. Morin d’eco-auto-re-organisation :
  • Eco : fonctionnement de l’organisation dans son environnement (synchronique),
  • Auto : auto-organisation du système pour faire face aux changements de son environnement ou bien encore à des changements internes (vieillissement par exemple),
  • Re : transformation profonde (émergence) au cours du temps dans la poursuite d’un but, d’un objectif, donc téléologique, voire, pour certains auteurs, finaliste (diachronique) : c’est la prise en compte de l’histoire. Cette émergence peut être vue comme l’atteinte d’une équifinalité et non finalité, à travers une ergodicité du système via un processus dialogique, -et non dialectique…- ou plus exactement multi-dialogiques entre sous-systèmes en coopétitions.

Nous reviendrons sur le concept d’organisation qui est souvent confondu avec celui de structure.

SUITE du Blog : Les Concepts de Base (2)

Benjamin de Mesnard