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samedi 6 avril 2019

IV) Théories opposées à la Systémique (IV-6 Marxisme)

IV-6) Marxisme (Marx, Engels, Lénine, Staline…)

Le Marxisme s’est posé depuis l’origine comme étant à la fois scientifique et philosophique, muni d’une nouvelle logique, le matérialisme dialectique  (voir IV-5). Il se veut nouveau paradigme d’une  science économique refondée, à même de surpasser définitivement la « science économique bourgeoise ». Le terme « matérialisme dialectique » n’apparaîtra qu’après Marx, avec Engels et Lénine et sera érigé en totem idéologique par Staline. 
Pour analyser le Marxisme, il faut revenir aux sources : « Le Capital » T1,2 et 3, « Contribution à la critique de l’économie politique », ou « Le Manifeste du Parti Communiste » de Marx.
Le Marxisme repose sur une nouvelle vision de l’économie, et surtout sur une analyse de la valeur - pierre angulaire du Marxisme - que Marx différencie en « valeur d’usage », « valeur d’échange » pour finir par évoquer les prix.
Remarque préalable : Il faut tout d’abord souligner qu’en cherchant dans tous les textes cités plus haut, il est difficile de trouver un passage donnant une démonstration claire et stable de la « valeur d’usage » et il est impossible d’en trouver une de la « valeur d’échange ». Même si Marx revient souvent sur la « valeur d’usage », on comprend bien que c’est pour répéter que « valeur d’usage » = « nombre d’heures de travail indifférencié de l’ouvrier moyen », notion vitale au Marxisme. La « valeur d’échange » revient aussi de temps en temps, mais soit elle est utilisée pêle-mêle avec la « valeur d’usage » comme dans « Contribution... » ce qui a pour effet de brouiller les pistes, soit elle est habilement discréditée par le terme « aliénation », ou bien mise de côté via quelques glissements sémantiques. Ainsi c’est le cas dans « Le Capital » comme on va le voir ci-dessous. Ici aussi on voit bien que la « valeur d’échange » ne convenant pas du tout à l’édifice idéologique édifié par Marx, cette notion doit être éradiquée. 

IV-6-1) La « valeur d’usage » chez Marx : pour Marx, il le répète souvent, la « valeur d’usage » est proportionnelle au nombre d’heures de travail de l’ouvrier moyen, ainsi dans « Le Capital » T1 p 44 : « C'est donc seulement la quantité de travail socialement nécessaire ou le temps de travail socialement nécessaire à la fabrication d'une valeur d'usage qui détermine la grandeur de sa valeur. La marchandise singulière ne vaut ici tout bonnement que comme échantillon moyen de son espèce. Les marchandises qui contiennent des quantités de travail égales, ou qui peuvent être fabriquées dans le même temps de travail, ont donc la même grandeur de valeur. Le rapport de la valeur d'une marchandise à la valeur de n'importe quelle autre marchandise est donc celui du temps de travail nécessaire pour produire l'une au temps de travail nécessaire pour produire l'autre. En tant que valeurs, toutes les marchandises ne sont que des mesures déterminées de temps de travail coagulé ». 
Deux choses à noter : 
a) glissement de « valeur d’usage » à « valeur » tout court à plusieurs reprises… 
b) on est dans l’affirmation, on ne trouve pas de démonstration dans tous ces textes, en dépit du « C’est donc... » du début du passage ici... 
Or, en langage économique, la « valeur d’usage » de Marx s’appelle en réalité un coût partiel, partiel car se limitant au coût salarial de l’ouvrier moyen et ne prenant pas en compte les autres coûts : autres salariés, conception/ingénierie, locaux, machines, impôts, transports, distribution, défauts de fabrication, vente, etc. etc.. Attribuer, via un artifice de dénomination le mot de « valeur d’usage » à un coût d’ailleurs partiel, c’est soit une erreur de débutant, soit une grossière tromperie. Cet extrait serait correct en remplaçant le terme « valeur d’usage » par « coût salarial de l’ouvrier moyen »…. mais cela reviens à dire une tautologie qui n’apporte rien car déjà bien connue avant Marx ! Exemple d'un tel remplacement : « Les marchandises qui contiennent des quantités de travail égales, ou qui peuvent être fabriquées dans le même temps de travail, ont donc la même grandeur de valeur  coût salarial de l’ouvrier moyen. Le rapport de la valeur du coût salarial de l’ouvrier moyen d'une marchandise à la valeur au coût salarial de l’ouvrier moyen de n'importe quelle autre marchandise est donc celui du temps de travail nécessaire pour produire l'une au temps de travail nécessaire pour produire l'autre.».
Par ailleurs, avec cette « définition » de la valeur, un ouvrier peut bien passer 1 million d’heure de travail sur un bien qui n’intéresse aucun acheteur, ce bien aura un coût de production énorme mais n’aura aucune valeur (ni d’usage ni d’échange) et ne vaudra rien. D’autre part, ce « concept » ignore le degré d’automatisation et de robotisation dans la production. Aujourd’hui il existe des usines presque sans ouvrier avec un temps de travail de « l’ouvrier moyen » proche de zéro, selon Marx faudrait-il en conclure que la valeur (ou « valeur d’usage ») des biens produits par cette usine sont nuls ? Pourtant Marx avait conscience que l’automatisation pouvait se développer, mais n’en tire aucune conséquence, ex : « Après l'introduction du métier à tisser à vapeur, en Angleterre, il ne fallait plus peut être que la moitié du travail qu'il fallait auparavant pour transformer une quantité de fil donnée en tissu. (…) C'est donc seulement la quantité de travail socialement nécessaire ou le temps de travail socialement nécessaire à la fabrication d'une valeur d'usage qui détermine la grandeur de sa valeur. ». [Marx « Le Capital », T1, p 43]. Enfin, ce que l’on entend quelque fois en économie par « valeur d’usage », c’est la valeur psychologique attribuée par celui qui va utiliser le bien acquis. Cette « valeur d’usage » est donc relative à chaque individu et elle est subjective. La vraie « valeur d’usage » d’une voiture par exemple est très élevée pour quelqu’un vivant en milieu rural sans aucun transports en commun, car elle sera un moyen de transport vital. La même voiture pour un parisien aura une « valeur d’usage » faible car il n’en a pas besoin la plupart du temps pour vivre et travailler. Cela n’a donc rien à voir avec le coût salarial d’un ouvrier moyen comme le croit Marx… 

IV-6-2) La « valeur d’échange » chez Marx : par ailleurs il parle de « valeur d’échange », or la seule « valeur d’échange » réelle, c’est celle attribuée par celui qui achète le bien (ou le service) d’un côté et par celui qui le vends. La « valeur d’échange » est donc non seulement relative aux deux acteurs de l’échange, mais elle même subjective à chacun d’entre eux. Cette véritable valeur d’échange, différente entre vendeur et acheteur n’est pas le prix comme le croit Marx, on n’y reviendra. Comme on voit bien que la « valeur d’échange » pose un problème car elle relève des libres marchés haïs, et qu’une seule « valeur » doit s’imposer, celle définie par Marx ; il a recours à diverses méthodes pour la discréditer, dont un peu de dialectique avec la « non-valeur » négation de la valeur : « La première façon, pour un objet d'usage, d'être une valeur d'échange en puissance, c'est d'exister comme non-valeur d'usage, c'est-à-dire comme quantité de valeur d'usage excédant les besoins immédiats de son possesseur. Les choses sont par définition extérieures à l'homme, et donc aliénables. Pour que cette aliénation soit réciproque, il suffit que les hommes se fassent implicitement face comme les propriétaires privés de ces choses aliénables et par là même précisément comme des personnes indépendantes les unes des autres ». [Marx « Le Capital », T1, p 100]. En résumé, avec la « valeur d’échange » on est dans la non-valeur, dans l’aliénation, aux mains de propriétaires privés indépendants les uns des autres individus dans la solitude de l’aliénation...

IV-6-3) Glissements sémantiques répétés : D’autre part la « valeur d’échange » qu’il déclare vouloir étudier, semble au fil du texte être décrétée anecdotique, « forme phénoménale », et est mise aux oubliettes sans bruit via quelques glissements sémantiques…
Par exemple dans [Marx « Le Capital », T1, p 43] : « Si l 'on fait maintenant réellement abstraction de la valeur d'usage des produits du travail, on obtient leur valeur, telle qu'elle avait précisément été déterminée. ». Note : devant le lecteur peu attentif, il opère ici un 1° glissement sémantique de « valeur d’usage » vers « valeur » tout court. Il le fait maintes fois, comme dans l’extrait vu plus haut en (IV-6-1) T1 p 44 et cette « technique » se répète encore et encore dans tous ces écrits. Il continue, cette fois-ci avec la « valeur d’échange » :  : « Ce qu'il y a donc de commun, qui s'expose dans le rapport d'échange ou dans la valeur d’échange de la marchandise, c'est sa valeur. ». Ibid p 43. Note : c’est le 2° glissement sémantique de « valeur ou rapport d’échange » vers « valeur » tout court, qui va permette l’élimination de la « valeur d’échange ».
Puis : « (…) Toute la suite de notre recherche nous ramènera à la valeur d'échange comme mode d'expression ou comme forme phénoménale nécessaire de la valeur, laquelle doit cependant être d'abord examinée indépendamment de cette forme. ». Ibid p 43. Dernière phase de l’élimination : la « valeur d’échange » devenant tout à coup un simple « forme phénoménale », il faut donc l’« examiner indépendamment de cette forme », elle est donc éliminée discrètement. Et dès la phrase suivante on repart ainsi sur : « Une valeur d'usage, une denrée, n'a donc une valeur que parce qu'en elle est objectivé ou matérialisé du travail humain abstrait. Comment alors mesurer la grandeur de sa valeur ? Par le quantum de "substance constitutive de valeur" qu'elle contient, par le quantum de travail. » etc.  Tout au long du T1, Marx tente d’enterrer la « valeur d’ échange » qui ne convient pas à sa théorie. Cela le cas échéant au prix de phrases peu compréhensibles comme en p 217 : « Mais le travail passé que contient la force de travail et le travail vivant qu'elle peut fournir, autrement dit le coût journalier de son entretien et sa dépense journalière sont deux grandeurs tout à fait différentes. La première détermine sa valeur d'échange, l'autre constitue sa valeur d 'usage. (…) Quant au vendeur de la force de travail, comme le vendeur de n'importe quelle autre marchandise, il réalise effectivement sa valeur d'échange et aliène sa valeur d'usage. » où il en profite pour glisser à nouveau le mot clé « aliénation »… Avec un large recours aux « valeur » tout court, le but est de mettre dans la tête du lecteur que « valeur d’échange » = « valeur d’usage » = « valeur » tout court = « nombre de jours de travail de l’ouvrier moyen» , comme seule valeur existante. Cela est effet vital car tout le Marxisme repose sur cela, c’est le seul moyen pour parvenir à « démontrer » l’exploitation de l’ouvrier par le capitaliste via la notion de « surproduit » par du « surtravail » (autre glissement sémantique) puisque la seule « valeur » c’est le nombre d’heures de travail de l’ouvrier moyen.
Pour Marx la journée de travail d’un ouvrier se décompose en deux parties : la première permet juste la production nécessaire pour payer un salaire de survie à l’ouvrier. La seconde donne un « surproduit » générant une « survaleur » qui constituera le profit allant dans la poche du capitaliste, via un « surtravail » « extorqué » à l’ouvrier. Ex : « La seconde période du procès de travail, pendant laquelle l'ouvrier trime au-delà des limites du travail nécessaire, lui coûte certes du travail, une dépense de force de travail, mais ne constitue pas de valeur pour lui. Elle forme une survaleur qui sourit au capitaliste de tous les charmes d'une création ex nihilo. Cette partie de la journée de travail, je l'appelle temps de travail en surplus, et le travail dépensé pendant ce temps, surtravail (surplus labour). Autant il est décisif pour la connaissance de la valeur en général de la saisir comme pure coagulation de temps de travail, comme pur travail objectivé, autant il est décisif de saisir la survaleur comme pure coagulation de temps de travail en surplus, comme pur surtravail objectivé. Seule la forme sous laquelle ce surtravail est extorqué au producteur immédiat, l'ouvrier, distingue les formations sociales économiques, par exemple la société esclavagiste de celle du travail salarié. ». [Marx « Le Capital », T1, p 242]. Note : Marx en profite pour glisser le terme « esclavagiste » en parlant du capitaliste… On arrive alors au supposé mal majeur du capitalisme à travers l’une de ses « contradictions » : la surproduction d’un côté et une sous-consommation de l’autre, les ouvriers étant tout juste maintenus en régime de survie. C’est l’une des contradictions principales du capitalisme selon Marx, alors même que l’histoire a montré que la supposée « surproduction » n’existe pas à moyen terme car – précisément – l’ouvrier s’est mis à son tour à consommer au cours d’une augmentation générale du niveau de vie. S’il y a surproduction (et donc insuffisance de la demande pour ces produits là, ou à l’inverse, excès de demande), elle ne peut être que temporaire, le système se rééquilibrant via un processus d’équilibre dynamique ponctué d’éco-auto-ré-organisation ! Ce qui est vue comme mauvais, exploitation, surtravail extorqué et surproduction par Marx est en réalité le moyen le plus sûr d’élever le niveau de vie de la population en produisant progressivement plus de biens et de services qui seront consommés via un rebouclage rétroactif typiquement Systémique. Mais cela Marx, en tant que scientiste positiviste, n’en n’a visiblement pas conscience.

IV-6-4) De même il y a confusion entre prix et « valeur d’échange » : Le prix, c’est le point de rencontre possible (mais non obligatoire !) à un certain moment entre l’acheteur et le vendeur entrés en relation. C’est le prix sur lequel il vont tomber librement d’accord (ou non, et dans ce cas l’échange ne se fait pas) pour procéder librement à l’échange. Cet accord sur un prix se déroule dans un environnement limité, depuis des horizons de connaissances, des points de vues différents et limités du vendeur et de l’acheteur. Ils agissent avec une information et une rationalité limitées, c’est la Rationalité limitée comme vu avec H. Simon, voir (II-5-5-e). De plus, comme souligné par K. Popper et F. Hayek simultanément, et avec les travaux sur la Théorie des Jeux de J. Von Neumann , O. Morgenstern et J. Nash, il faut tenir compte du jeux des acteurs économiques entre eux, adaptant en permanence leurs actions et choix en fonction de ce qu’ils croient savoir de ceux des autres. Cela donne lieu à une Dialogique continue entre les acteurs économiques, une coopétition, mélange de compétition et de coopération et non une Dialectique se résumant à des guerres ou luttes permanentes, voir (V-16). Tout cela est totalement inconnu du Marxisme.
Par ailleurs les prix affichés par les vendeurs, constituent un flux d’information au sien du Système économique. Au même titre que les autres types de flux de matières, énergies, etc. Marx confond « valeur d’échange » et prix : « On dit : ce stylo vaut Fr 10 parce que c'est le prix affiché, et nous confondons dans notre langage courant le prix et la valeur. Mais si j'ai acheté ce stylo, c'est bien parce que pour moi, ce stylo vaut plus que Fr 10. Si pour moi, avoir Fr 10 ou avoir ce stylo, c'était exactement la même chose, alors je n'aurais pas pris la peine de l'acheter. Inversement, pour le marchand, le stylo vaut moins que mes Fr 10, sinon il ne le mettrait pas en vente, ou pas à ce prix là. S'il vend le stylo, c'est parce qu'il pense pouvoir faire plus de choses avec mes Fr 10 qu'avec ce stylo sur son rayon. » [MICHEL, Henry, « Peux-t-on faire des Affaires sans se salir des Mains ? », Conférence donnée à Genève, le 2/11/1993, p 7]. On note également dans cette citation que l’échange est inégal est que cela est nécessaire. Les Marxistes soutiennent qu’avec le système capitaliste, le fait que les échanges soient inégaux est scandaleux, preuve que ce système est vicieux car les échanges ne peuvent se faire selon eux qu’à la « valeur d’usage » égales. Mais comme le dit encore Henry Michel : « Donc quand j'ai acheté le stylo, nous avons gagné tous les deux et nous avons gagné parce que les termes de l'échange étaient inégaux. C'est cela, la réalité, pourtant elle n'est pas reflétée dans la comptabilité. » [Ibid p 7]. C’est parce que l’échange est inégal, que chacun y gagne, sinon il n’y aurait pas eu cet échange, puisque - contrairement aux services étatiques en vente forcée via l’impôt- l’acheteur était libre d’acheter ou non ce stylo au prix de Fr. 10. Pourquoi pour Marx un échange doit-il être nécessairement égal ? A cause de la « valeur » ramenée au nombre d’heure de travail d’un ouvrier moyen. Si lors d’un échange l’acheteur paye 110 alors que la « valeur » marxiste est de 100, c’est qu’il y a vol, « survaleur », surexploitation par le capitaliste qui écrase le prolétariat, non seulement via du « surtravail », mais également en essayant de vendre 110 ce qui a une « valeur d’usage » Marxiste de 100…

IV-6-5 ) A travers cette analyse, on comprend pourquoi Marx est à l’opposé de la Systémique, d’une manière que l’on pourrait presque qualifier de caricaturale :

a) Matérialisme :
Bien que se référant à deux philosophes idéalistes : Descartes et Hegel. Comme vu au chapitre IV, matérialisme et idéalisme s’opposent tout en faisant appel l’un à l’autre. et sont tous deux incompatibles avec la Systémique pour qui Matière et Forme sont inséparables, un Système formant un tout sans avoir une Forme/Structure/Organisation d’un côté et de la Matière de l’autre...

b) Démarche de pseudo-science non scientifique
C’est à dire une démarche, tout comme l’astrologie par exemple, qui veut se draper des oripeaux de la science sans en être du tout :
  - revendication répétée d’être scientifique, mais une chose fausse ne devient pas vraie parce que martelée encore et encore,
  - recours à la pseudo logique qu’est la Dialectique comme vu en (IV-5),
  - recours à des pseudo formules mathématiques telles que M-A-M’-A’ où A’=A+A, ou bien M’-A’=(M+m)-(A+a) dans « Le Capital » avec des exemples numériques repris des dizaines de fois, toujours selon le système de la répétition.
Tout cela ne fait pas une théorie scientifique, voir K. Popper (III-2-8), ainsi on ne voit pas comment le Marxisme peut se prêter à des tests, des expérimentations, afin d’être éventuellement réfuté le cas échéant : il est irréfutable comme l’est l’astrologie. D’ailleurs, l’histoire qui a suivi, a démontré mainte fois l’échec du Marxisme, sans que cela affecte ses fidèles dans leur foi, à la manière d’une religion...

c) Recours à un réductionnisme outrancier comme « l’ouvrier moyen », en faisant également la moyenne des machines de production (ignorant ainsi leurs diversités, leurs modernisations et les augmentations de productivité en découlant) et la moyenne des marchandisent produites afin de gommer leurs différences, leurs complexités, avec des machines plus ou moins automatisées et des marchandises (ou des services !) très variés. Il prends donc en considération une entreprise type moyenne simplifiée, caricaturale typiquement cartésienne. C’est en quelque sorte une entreprise rêvée ayant 1 machine, 1 ouvrier et 1 marchandise produite avec 1 valeur et 1 prix… et 1 capitaliste bien entendu. Cela lui permet « d’éjecter » de son analyse toute la diversité et la complexité des actions et interactions individuelles, des innovations, de la diversités des modes de productions, des marchandises ou services produits et des compétences très variées requises. Ainsi dans son modèle cartésien ultra simplifié, les ouvriers, techniciens, ingénieurs, managers, gestionnaires, commerciaux etc. d’une entreprise sont réduits à être des robots moyens uniformisés tout juste capable de faire un travail simple. C’est l’hypostase de « l’Ouvrier » noté « T », du « Capital » noté « C », de la « Marchandise »  notée « M » dans ses « équations » pseudo mathématiques : « on donne des majuscules à des mots vides de signification » comme le disait Simone Weil en 1937 [WEIL, Simone, Œuvres, Ed. Quarto Gallimard, p 473]. C’est la négation des êtres humains avec tous leurs talents et diversités comme l’explique Marx lui-même : « Pour bien comprendre comment la valeur d'échange est déterminée par le temps de travail, il importe de ne pas perdre de vue les idées essentielles suivantes. La réduction du travail à du travail simple, pour ainsi dire dénué de qualité ; (…). Pour mesurer les valeurs d'échange des marchandises au temps de travail qu'elles contiennent, il faut que les différents travaux eux-mêmes soient réduits à un travail non différencié, uniforme, simple, bref à un travail qui soit qualitativement le même et ne se différencie donc que quantitativement. Cette réduction apparaît comme une abstraction, mais c'est une abstraction qui s'accomplit journellement dans le procès de production social. (...) En fait, le travail, qui est ainsi mesuré par le temps, n'apparaît pas comme le travail d'individus différents, mais les différents individus qui travaillent apparaissent bien plutôt comme de simples organes du travail. Autrement dit, le travail, tel qu'il se présente dans les valeurs d'échange, pourrait être qualifié de travail humain général. Cette abstraction du travail humain général existe dans le travail moyen que peut accomplir tout individu moyen d'une société donnée, c'est une dépense productive déterminée de muscle, de nerf, de cerveau, etc., humains. C'est du travail simple, auquel peut être dressé tout individu moyen, et qu'il lui faut accomplir sous une forme ou sous une autre. » [Marx, « Contribution... », Chap 1, p 19]. En passant, on note ici que subrepticement Marx mélange à nouveau « valeur d’échange » et « valeur d’usage » : il affirme que c’est la « valeur d’échange » (et non plus seulement la « valeur d’usage ») qui est « déterminée par le temps de travail » de l’ouvrier moyen ! Par ailleurs, on aura bien compris que Marx considère les divers salariés d’une entreprise comme de « simples organes de travail » tout juste capables de faire « du travail simple auquel peut être dressé tout individu moyen »... car cette réduction des salariés au niveau de « simples organes de travail » d’ouvriers moyens est nécessaire à sa théorie. De ce « modèle » il en tirera des centaines de pages d’analyses de tous ordres, de grandes généralisations notamment sur le destin historiciste lyrique de la Classe ouvrière. On est vraiment loin de la phronésis / prudence d’Aristote et J.B. Vico concernant les conclusions à tirer des modèles -surtout poussé à ce degré de simplification- , et également loin de la « carte n’est pas le territoire » de A. Korzybski : le modèle ultra simplifié de Marx est pris comme réalité alors qu’il ne corresponds aucunement au monde réel.

d) Théories / modèles irréfutables et donc non-scientifiques, voir (III-2-8)
Comme on l’a vu en (b), le Marxisme est intrinsèquement irréfutable, il ne peut pas être testé, soumis à une expérimentation, à l’instar de l’astrologie par exemple. De plus il y a toujours une réponse ad-hoc pour toutes remarques et critiques, tout comme l’astrologie encore. Par exemple, face à la faillite, au totalitarisme et aux exactions de tous les régimes Marxistes, on aura l’explication ad-hoc « ce n’était pas vraiment du communisme » mettant définitivement le Marxisme à l’abri de toute réfutation. Pour mieux se protéger, la technique de Marx consistant à user de moyennes et de simplifications sur tous les sujets est un outils commode pour annuler ou nier (dialectiquement ?) toutes les remarques déstabilisatrices qu’il connaît bien de la part de ses contradicteurs. Ainsi, comme vu ci-dessus, si certaines machines à tisser sont mues désormais par la vapeur et réduisent pas deux le temps de travail des ouvriers, cela ne change rien puisque l’on va considérer une machine moyenne. Si un ouvrier est paresseux et met dix fois plus de temps à produire la même marchandise, celle-ci (si on applique sa théorie) vaudra  dix fois plus, mais, en fait, on ne prends que le temps moyen de « travail simple » des ouvriers « simples organes », idem sur toutes les marchandises même si elles sont radicalement différentes. Enfin, en dernier ressort, ses détracteurs, pour faire bonne mesure, sont régulièrement qualifiés de bourgeois, de libéraux, dénigrés et insultés, mais sans aucune argumentation, ainsi : « Note 10. A cette troisième loi, Mac Culloch, entre autres, a ajouté cet additif inepte que la survaleur peut s'élever sans chute de la valeur de la force de travail si l 'on supprime certains impôts que le capitaliste devait payer auparavant. (...) L'exception de Mac Culloch prouve donc simplement qu'il n'a rien compris à la règle, malheur qui lui arrive souvent, quand il vulgarise Ricardo, aussi souvent qu'à J.B. Say, quand il vulgarisait Adam Smith. » [Marx, « Le Capital » T1, p 584].

e) Méconnaissance des boucles rétroactives des équilibres dynamiques ponctués (homéostasie) de la Systémique :
       • Avec sa théorie de la valeur, Marx ignore la moitié des circuits du système économique. Pour lui il n’y a qu’à produire une marchandise, qui a automatiquement comme valeur la « valeur d’usage » égale au coût du salaire de l’ouvrier, nécessairement égale à la « valeur d’échange », impérativement égale au prix de mise en vente (sinon le capitaliste est un voleur en plus d’un exploiteur comme vu plus haut en (IV-6-4) . A partir de là, cette marchandise trouvera son client à ce prix là tout aussi automatiquement ! Tout le côté consommateurs et consommation est totalement ignoré, les « lois » de l’offre et de la demande n’existent pas, pas besoin de commerciaux ou de vendeurs et encore moins de marketing opérationnel ni d’associations de consommateurs. On comprend alors pourquoi les industries communistes ont toujours été en retard technique, non innovantes, produisant trop ou trop peu des marchandises ne répondant pas aux besoins de la population, avec des Trabants au lieu des voitures fiables, variées et confortables des pays « capitalistes »…
       • De plus, avec sa théorie de la surproduction permanente s’amplifiant fatalement comme vu en (IV-8-3), il ignore l’adaptation en équilibre dynamique ponctuée (l’homéostasie) des acteurs, l’éco-auto-ré-organisation, systémique. Pour lui, il n’y aura jamais aucun rééquilibrage Systémique possible de cette surproduction par un développement de la demande par exemple.
      • De même, il affirme que le maintien des salaires des ouvriers juste au niveau de la survie génère un surplus permanent de main-d’œuvre, d’ouvrier sans travail ce qui renforce les salaires au niveau de survie. Or, il faut tenir compte des effets de rebouclages systémiques. Les employeurs ont donc à leur disposition une masse d’ouvriers à bas coûts dans un monde où seul compte le fait de produire, puisque les marchandises produites trouvent automatiquement acquéreur au prix de la « valeur d’usage » de Marx, valeur indépendante de l’offre et de la demande. Ils n’ont donc aucune raison de ne pas embaucher massivement cette masse d’ouvriers pas chers et disponibles immédiatement pour augmenter leur production et leurs profits, jusqu’à la réduction à zéro du chômage. Cette disparition du chômage, selon la « loi » de l’offre et de la demande (typiquement Systémique) qu’ignore Marx, va alors créer des tensions sur les salaires, les capitalistes entrants en compétition entre eux pour débaucher avec de meilleurs salaires les meilleurs ouvriers chez leurs concurrents… Et donc le revenu des ouvriers va augmenter et leur niveau de vie avec, phénomène effectivement observé au cours de l’histoire. Mais encore faut-il imaginer des ouvriers autres que « l’ouvrier moyen », « simples organes de travail » tout juste capable de faire « du travail simple auquel peut être dressé tout individu moyen » ! C’est ce que remarque K. Popper : « Or, Marx n’indique pas pour quelle raison la main-d’œuvre disponible continuerait à dépasser la demande. Car, si l’exploitation des travailleurs procure un si grand profit, pourquoi les capitalistes ne cherchent-ils pas à employer un nombre toujours plus grand d’ouvriers ? La concurrence entre employeurs ferait alors monter les salaires et l’exploitation se réduirait et disparaîtrait. » [POPPER, Karl, « La Société Ouverte… » T2, p 117].
     • Enfin, même chose avec la baisse tendancielle du taux de profit des capitaliste soutenue par Marx. «  Le capital d’un industriel se divise en deux parts : l’une qui sert aux investissements (en terrain, outillages, matières premières, etc.), et l’autre au paiement des salaires. Marx appelle la première « capital constant », la seconde « capital variable ». Ces termes me paraissant un peu imprécis, je les remplacerai par « capital immobilisé » et « capital-salaires ». Selon Marx, le capitaliste ne peut tirer profit que de l’exploitation des ouvriers, c’est à dire de l’emploi du « capital-salaires », le « capital immobilisé » étant, en quelque sorte, un poids mort que la concurrence et la tendance générale à l’augmentation de la production l’obligent à croître sans cesse. Son importance par rapport au « capital-salaires » grandissant, le taux de profit du capital total doit nécessairement diminuer. » [POPPER, Karl, « La Société Ouverte… » T2, p 122]. Or, dans le monde réel, le « capital immobilisé » est productif, comme le montre les usines modernes sans ouvriers et peuplées de robots. Ce « capital immobilisé » est de plus en plus productif d’ailleurs grâce aux innovations, à la recherche et au progrès techniques, (eux-même issus d’une autre boucle de rétroaction positive systémique, les innovations appelant les innovations)... totalement ignoré par Marx. Ici également, après avoir ignoré la moitié du système économique avec le marché, la demande, voilà qu’il ignore maintenant la productivité du sous-système constitué par le « capital immobilisé » !

f) Non prise en compte des facteurs de risques pris par les capitalistes et de la sélection naturelle qui en découle sur les entreprises : Comme on la vu en (III-2-6) avec Darwin, la sélection naturelle est un concept inhérent à la Systémique. Or Marx grâce on sa « valeur d’usage » = « valeur d’échange » = prix = « nombre d’heure de travail d’un ouvrier moyen » aboutissant à des produits ayant une valeur prédéterminées, et trouvant acheteurs automatiquement à cette valeur, tous facteurs de risques pris par le capitaliste sont purement et simplement niés. En somme avec Marx, le capitaliste est un profiteur jouant et gagnant à coup sûr sur le dos des ouvriers. Toutes les idées, l’argent investit (peut-être bien en pure perte), les innovations, les concurrents, le travail pour trouver de nouveaux débouchés et les risques de ruines pris par l’entrepreneur sont ignorés. Ainsi il est facile à Marx de transformer l’entrepreneur et ses investisseurs en capitalistes profiteurs surexploitant sans risques ni justification les ouvriers… pourtant jugés par Marx lui-même comme n’étant que de « simples organes du travail » !

g) Le Marxisme est un oxymore qui se veut une science et une philosophie : 
 
A titre d’exemple Staline écrit en 1938 : « Marx et Engels n’ont en effet emprunté au matérialisme de Feuerbach que son « noyau central » ; ils l’ont développé en une théorie philosophique scientifique du matérialisme, et ils en ont rejeté toutes les superpositions idéalistes, éthiques et religieuses. » [STALINE, J.V., Matérialisme dialectique et Matérialisme historique, p 2, 1938]. C’est une contradiction, chose ironique alors même que la dialectique se veut théorie des contradictions et des oppositions avec la « négation de la négation » … En effet, une théorie donnée ne peut être à la fois science et philosophie, il n'y a donc pas de "théorie philosophique scientifique". Comme montré par K. Popper en (III-2-8), une théorie pour être scientifique doit être réfutable, c’est à dire que l’on doit pouvoir la soumettre à des tests, des expérimentations, pour tenter de la réfuter, critère qui n’est pas demandé ni à une théorie philosophique, ni à une religion. 
Le plus surprenant dans cette affirmation de la scientificité du Marxisme, avec une science matérialiste supposée atteindre avec certitude la Vérité, c’est qu’ils accusent de fidéisme ceux qui ne croient pas à l’atteinte de cette Vérité. Ainsi dans le passage déjà cité en (III-2-8) de Lénine repris en 1938 par Staline : « « Le fidéisme contemporain ne répudie nullement la science ; il n'en répudie que les "prétentions excessives", à savoir la prétention de découvrir la vérité objective. S'il existe une vérité objective (comme le pensent les matérialistes), si les sciences de la nature, reflétant le monde extérieur dans l'"expérience" humaine, sont seules capables de nous donner la vérité objective, tout fidéisme doit être absolument rejeté. » (Matérialisme et empiriocriticisme, t. XIII, p.102.). Or précisément ceux qui soutiennent atteindre la Vérité, par un moyen ou un autre, ce sont les religions (et donc les fidéistes), les idéologies ET en particulier les Marxistes ! Preuve s’il en est que le Marxiste est non-scientifique et ne relève que d’un acte de foi… fidéiste.


IV-6-6) Pour terminer, quelques citations du « Manifeste du Parti Communiste » :

a) P 55 : « L’abolition de la famille ! Même les plus radicaux s’indignent de cet infâme dessein des communistes. 
Sur quelle base repose la famille bourgeoise d’à présent ? Sur le capital, le profit individuel. La famille, dans sa plénitude, n’existe que pour la bourgeoisie ; mais elle a pour corollaire la suppression forcée de toute famille pour le prolétaire et la prostitution publique. La famille bourgeoise s’évanouit naturellement avec l’évanouissement de son corollaire, et l’une et l’autre disparaissent avec la disparition du capital. ».
Note : Et les enfants seront embrigadés aux jeunesses communistes, et priés de dénoncer leurs parents le cas échéant… Tout comme cela était le cas chez les Nazis.
b) p 56 : « Mais la bourgeoisie tout entière de s’écrier en chœur : Vous autres, communistes, vous voulez introduire la communauté des femmes ! (…) Les communistes n’ont pas besoin d’introduire la communauté des femmes ; elle a presque toujours existé. (…) Le mariage bourgeois est, en réalité, la communauté des femmes mariées. Tout au plus pourrait-on accuser les communistes de vouloir mettre à la place d’une communauté des femmes hypocritement dissimulée une communauté franche et officielle. ».
Note : La communauté des femmes (réduites à l’état d’objets) est prévue, mais pas celle des hommes...

Misère de la philosophie qui annonce les totalitarismes à venir...

SUITE du blog : IV-7) Comparaison entre Aristote, Leibniz, Structuralisme, Matérialisme Dialectique, Systémique plus Platon, Descartes et Hayek

Benjamin de Mesnard

samedi 30 mai 2009

IV) Théories opposées à la Systémique (IV-5 Matérialisme Dialectique)

IV-5) Matérialisme Dialectique

1° Remarque préliminaire : cet article suit logiquement celui sur le Positivisme, comme on va le voir.
2° Remarque préliminaire : la logique dialectique de Hegel, puis la logique dialectique matérialiste d’Engels et de Marx n’ont rien à voir avec la Logique Formelle qu'elle prétends remplacer. La Logique Formelle ne s’intéresse pas au contenu subjectif d’un énoncé mais à son contenu formel. Son but est de faire logiquement découler un énoncé d’un autre énoncé objectivement et sans ambiguïté possible. Pour cela chaque énoncé doit être défini « formellement », c'est-à-dire dans un langage dénué de tout contenu subjectif. Sa première apparition vient d’Aristote avec les syllogismes, (voir III-2-1). Cette approche est propre aux mathématiques en général, dans le but de parvenir finalement à ramener tout raisonnement à une tautologie : A=A.

Selon Engels la Dialectique repose sur trois « lois » :
  •  l’unité et l'interpénétration des contraires ;
  •  la négation de la négation ;
  •  la transformation de la quantité en qualité.
[ENGELS F., « Dialectique de la nature », 1883, collection "Les classiques des sciences sociales", Éditions sociales, 1968, (Ed. Originale 1925), p 52].

IV-5-1) Pour l’unité et l'interpénétration des contraires

Selon Engels ou Lénine, la dialectique, « dialectique comme à la forme suprême de la pensée » [ENGELS, Friedrich, « L’Anti-Dühring », 1878], se veut successeur de la Logique Formelle. Étant conforme à ce que Hegel appelle la « philosophie des identités » ou panlogisme, philosophie soutenant que les idées faisant le monde (ou l'inverse chez les matérialistes), il y a identité entre les idées et les objets réels. Elle s’attache à étudier l’objet ou l’idée, le concept (panlogisme) ou encore une théorie (A), c’est la thèse. En passant on remarque que ce (A) est de fait découpé dans le réel par les dialecticiens, mais sans aucune réflexion ni précaution sur les conséquences de cette découpe arbitraire… De ce (A) ils en tirent son opposé contradictoire, objet, ou idée, concept ou encore théorie (non A), c’est l’anti-thèse. Selon eux, sans cette analyse dialectique, souvent réalisée après coup, après la découverte de cet objet, idée ou théorie, la démarche scientifique est vidée de son sens et surtout incomplète car le processus doit continuer. Après la thèse et l’anti-thèse, le dialecticien se doit d’en opérer la synthèse [(A) et (non A)]. Ensuite le dialecticien pourra continuer encore en faisant l’anti-thèse [non ((A) et (non A))] de la synthèse, suivi d’une nouvelle synthèse encore [((A) et (non A)) et (non ((A) et (non A)))] et ainsi de suite… sans jamais faire référence à de quelconques tests, expérimentations de toutes ces thèses, anti-thèses et synthèses dans le monde réel. D’aucuns pourront plaider en faveur de cette « méthode » en disant qu’elle permet d’être complet dans l’analyse de l’objet étudié. Or si Leibniz dit, lorsqu’il souhaite découvrir une ville qu’il ne connaît pas, commencer par en faire le tour complet, il ne dit pas qu’il va en prendre l’opposé, la négation de cette ville !Cette approche est aujourd’hui décriée voire méprisée ou combattue comme dangereuse en souvenir douloureux du matérialisme dialectique et ses dégâts notamment sous Staline ou sous Mao et la « science matérialiste » ou encore la « science prolétarienne » qui étaient autant de pseudo-sciences.

Il apparaît que la Dialectique est utilisée sous trois modes différents malheureusement confondus entre eux :

   a) Le mode méthodologique (outil de pensée) :

Le matérialiste dialectique revendique le fait d’être non seulement scientifique et philosophique mais surtout d’être LA Méthode scientifique devant être utilisée par tous les scientifiques. En passant, on peut noter que cette ambition n’est pas sans rappeler celle de Descartes, avec des résultats tout aussi désastreux. Cette méthode consiste donc a prendre un objet ou un être étudié ou encore une idée en l’analysant directement, en tant que tel (thèse), puis de faire l’hypothèse de son contraire/ opposé/ antinomie ou encore de sa non-existence « pour voir » ce qui se produirait dans ce cas (antithèse) et enfin d’en tirer les conclusions qui s’imposent en gardant « le meilleur » (mais sur quels critères ?) des thèses et antithèses (synthèse). Cependant on peut s’interroger en passant sur ce que l’on entend exactement par antithèse lorsqu’il s’agit par exemple d’un être humain, d’un ordinateur, d’une fleur ou tout autre objet ou être du monde réel… car quelle est l'antithèse d'une pomme ? Vaste débat !
On est au cœur ici du point soulevé par Mario Bunge dans « Matérialisme Scientifique » [BUNGE, Mario, 2008] : la dialectique prétend s'appliquer aussi bien aux objet réels qu'aux idées, c’est le panlogisme évoqué plus haut. Mais comme le fait remarquer K. Popper, ce n’est pas parce que l’anglais est une langue qui peut exprimer des idées, des concepts, sur le monde, que le monde est anglais. Autant il est possible d'imaginer l'opposé d'un concept (vide vs plein, ouvert vs fermé,...) bien que cela soit contestable car tout n'est pas binaire (un verre peut être à moitié plein...), autant il est impossible d'imaginer l'opposé de clé, de vache ou de barre de fer...
Mais il y a plus grave encore avec le matérialiste dialectique utilisé en tant que méthode scientifique comme l’a souligné K. Popper dans, par exemple, « Conjecture and Refutation » :
- Une théorie, une thèse, ne génère pas une antithèse, ce sont les chercheurs qui se livrant à une mise à l’épreuve critique d’une nouvelle théorie, peuvent arriver soit à une autre théorie (pas forcément opposée à la première), soit produire plusieurs autres théorie (et non une antithèse unique), soit… à rien.
 - Cela est la première étape, après la phase de mise à l’épreuve critique, des tests, des expérimentations selon un protocole strict, rigoureux et reproductible, doivent impérativement être réalisées, pour tester cette théorie. Or cette phase de tests, si vitale pour déterminer si une théorie est scientifique (car réfutable) et si elle « survit » au tests (où elle sera éventuellement réfutée donc), n’est jamais mentionnée par les tenants du matérialisme dialectique. Pour eux on fait une thèse, puis une antithèse, puis on en conclu une synthèse et on continue par une anti-thèse de la synthèses etc., c’est tout. Il n’y a jamais aucune référence à des expérimentations qui pourrait permettre au monde réel de trancher par le rejet des théories fausses car réfutées par celui-ci, refer le texte de K. Marx au paragraphe suivant. Le matérialisme dialectique est donc en cela détaché du monde réel
 -  Pour le matérialisme dialectique, ce qui compte c’est trouver des oppositions, des contradictions à une thèse pour arriver à une antithèse via des couples d’oppositions binaires (voir V-16). Or, comme expliqué par K. Popper, le véritable intérêt de la démarche scientifique est de produire des théories testables (intrinsèquement réfutables). Puis de les tester dans le but de tenter de les réfuter pour les éliminer et tirer des leçons de ces échecs par essais/erreurs, ce qui permet de produire de nouvelles théories meilleures car capable de survivre aux tests précédents... puis peut-être échouer à de nouveaux tests. Inventer à toute force une antithèse, une anti-théorie face à une théorie ne présente aucun intérêt, et encore moins vouloir à tout prix en sortir une synthèse ! On est ici en plein dans les pensées confuses et virevoltantes de Marx comme cité en (b) ci-dessous.
 
   b) Le mode logique contre la Logique Formelle :

Le mode logique consiste à ériger la Dialectique en une nouvelle sorte de logique, opposée à, et remplaçant, la Logique Formelle. Au lieu d’avoir recours à des concepts formels objectifs dénuées de toutes ambiguïtés, on invente donc un item logique (A), on l’affirme, puis on le nie par (non A), c’est l’anti-thèse, puis on opère la synthèse, « l’union des contraires » d’Engels, en concluant par [(A) et (non A)]. (A) peut être ici n’importe quel affirmation, idée, chose ou sujet : « la porte est ouverte », « telle fréquence lumineuse est perçue comme une couleur bleue », « il pleut », « l’astrologie est une science », cet animal est un éléphant » etc… Elle peut être aussi bien une idée, un concept, un être vivant qu’un objet réel suivant ce que Hegel, repris par Marx, appelle la « philosophie des identités » ou « panlogisme ».
Or, rien n'est plus efficace pour détruire la Logique dialectique que la vraie logique, la Logique Formelle ou la Théorie des Ensembles. En effet, les détracteurs de la Dialectique n’ont pas manqué d’observer que cette logique n’est pas réfutable puisque si [(A) ou (non A)] est toujours vrai, [(A) et (non A)], c’est à dire la synthèse dialectique est par contre toujours fausse. Or si en Logique Formelle d'une proposition vraie il est possible de conclure quelque chose, par contre d'une proposition fausse, par définition, on ne peut rien conclure… C’est en somme Aristote à l’envers puisque celui-ci prenait bien l’exemple de la porte nécessairement ouverte ou fermée, mais pour expliquer la logique du « tiers exclu » : la porte ne peut pas être à la fois fermée et ouverte, elle est soit l’un soit l’autre. Il avait donc bien compris, lui, 2400 ans avant Engels, Lénine et Staline que [(A) et (non A)], la synthèse dialectique est nécessairement fausse ! C’est bien le reproche souvent fait à la Dialectique : on ne peut rien en conclure, c’est à dire, en conclure n’importe quoi comme tout charlatan le ferait.

Peut-être faut-il alors aller chercher du côté de Marx lui-même dans «  Misère de la Philosophie » p 72 ? : « Mais une fois qu'elle est parvenue à se poser en thèse, cette thèse, cette pensée, opposée à elle-même, se dédouble en deux pensées contradictoires, le positif et le négatif, le oui et le non. La lutte de ces deux éléments antagonistes, renfermés dans l'antithèse, constitue le mouvement dialectique. Le oui devenant non, le non devenant oui, le oui devenant à la fois oui et non, le non devenant à la fois non et oui, les contraires se balancent, se neutralisent, se paralysent. La fusion de ces deux pensées contradictoires constitue une pensée nouvelle, qui en est la synthèse. Cette pensée nouvelle se déroule encore en deux pensées contradictoires qui se fondent à leur tour en une nouvelle synthèse. De ce travail d'enfantement naît un groupe de pensées. Ce groupe de pensées suit le même mouvement dialectique qu'une catégorie simple, et a pour antithèse un groupe contradictoire. De ces deux groupes de pensées naît un nouveau groupe de pensées, qui en est la synthèse. ». Pensées déconnectées de la réalité, confuses et virevoltantes de Marx, on est si loin des réflexions si profondes et lumineuses d’un Aristote, Bachelard, Popper, Hayek, Morin, etc. Et c’est avec ces pensées là, que le Marxisme va se revendiquer comme science et philosophie… Misère de la philosophie en effet. C’est une autre parenté avec Descartes dont la méthode repose sur l’introspection, et donc ses idées personnelles, et non l’expérimentation, et s’en satisfait.

   c) Le mode d’opposition des contraires pré-identifiés :

L’opposition des contraires factuels déjà identifiés, consiste à prendre deux états (par exemple) d’une machine, un objet ou un être dont on a constaté l’opposition de fait : états d’une être vivant : vivant versus mort, états d’un morceau de bois : sec versus mouillé, etc… pour analyser chacun d’entre eux – démarche légitime -, analyser comment et de quelle manière ils sont en contradiction et en opposition. On en tire alors une conclusion qui est une espèce de mise en exergue, un éclairage, de cette opposition. L'intérêt de ce mode dialectique ne dépasse guère le niveau de la tautologie n’apportant aucune information « un être vivant doit, certes, être vivant ou bien mort » un peu à la manière d’un M. Jourdain de Molière... mais peut être utile notamment en pédagogie.

F. Engels nous donne ainsi une exemple très parlant d’opposition de contraires pré-identifiés : « La chaleur est une « force » de répulsion, elle agit donc en sens opposé à celle de la pesanteur et de l'attraction chimique, elle est de signe -, si celles-ci sont affectées du signe +. Si donc Helmholtz a constitué sa réserve primitive de force avec de l'attraction universelle et chimique, une réserve de chaleur qui existerait encore outre celle-ci ne devrait pas être ajoutée à cette réserve de force, mais en être retranchée. Sinon la chaleur solaire devrait renforcer la force d'attraction de la terre, lorsque, - précisément contre celle-ci, - elle fait évaporer l'eau et s'élever la vapeur ; ou bien la chaleur d'un tube de métal incandescent, dans lequel on fait passer de la vapeur d'eau, devrait renforcer l'attraction chimique de l'oxygène et de l'hydrogène, alors qu'au contraire elle la fait cesser. ». [Engels F., « Dialectique de la nature », 1883, p 69] Ce passage fait fortement penser à la « physique » de l’Antiquité : à cette époque certains philosophes pensaient que comme la vapeur s’élevait dans l’air, c’est qu’elle devait regagner « son lieu naturel », le ciel, tandis que si la pierre tombait sur la terre, c’était pour rejoindre « son lieu naturel » terrestre. Ici Engels est sur une légère variante : la chaleur fait s’ « évaporer l'eau et s'élever la vapeur » c’est qu’elle est une force de répulsion, à l’opposé (dialectique) de la pesanteur qui est une force d’attraction ! Évidence toute cartésienne et dialectique de LA Méthode scientifico-philosophique du Matérialisme dialectique. Il faut noter qu’à cette époque, en 1883, lorsque Engels a écrit cette « œuvre », « Dialectique de la nature », tous les gens un peu éduqués savaient pourtant que si la vapeur s’élevait dans l’air, c’est tout simplement parce que sa densité est plus faible. C’est juste un principe découvert par Archimède, grand savant de… l’Antiquité ! Il faut rappeler qu’une vraie science traitant de la chaleur et de l’énergie, la Thermodynamique, existait déjà à l’époque où Engels rédigeait ces fantaisies matérialistes dialectiques sur « la chaleur « force » de répulsion »… Après la misère de la philosophie, c’est le néant scientifique...

Ces trois modes si souvent confondus étant précisés, il devient alors possible de clarifier le positionnent de la Dialectique par rapport à la Systémique :
  • Le mode méthodologique, peut ne pas être opposé à la Systémique s’il est utilisé par un… non dialecticien. Tout comme une certaine réduction du réel, le découpage conscient d’un sous-système dans ce que l’on croit être le réel, peut être utilisé par un non cartésien, c'est-à-dire un chercheur qui ne l’utilisera qu’en tant qu’outil limité et à risques ; ce mode dialectique pourra être utilisé à certaines phases de l’étude, et à certaines phases seulement et avec la plus grande prudence... mais il est clair que ce mode sera surtout un risque de perte de temps au minimum, voire un risque de se fourvoyer pour un chercheur qui gagnerait grandement à utiliser la directement la méthode de conjecture et réfutation de K. Popper.
  • Le mode logique par contre est clairement anti-systémique, nous pourrions plus exactement dire : erroné. Résolument contraire à la Logique Formelle –qui, elle, est compatible avec la systémique-, elle permet tous les abus, toutes les dérives de types Lyssenko, ou autres « sciences matérialistes » du communisme. C’est pour cette raison, qu’il convient de ranger le matérialisme dialectique clairement du coté des approches opposées à la Systémique, contrairement à la volonté affichée de certains des tenants de ce matérialisme dialectique –comme L. Sève dans « Émergence, Complexité et Dialectique »- en voulant la récupérer à leur profit. En effet la Dialectique est le plus souvent comprise sous le mode logique uniquement  par ses défenseurs autant que par ses détracteurs.
  • Le mode d’opposition des contraires pré-identifiés pourra de même être utilisé par un non dialecticien, dans le seul but de faire le tour d’une opposition, par exemple un changement de phase avant/après ce changement et seulement dans ce cadre limité, avec la même prudence aristotélo-vichienne et les mêmes limitations que pour le mode méthodologique.

IV-5-2) Pour la négation de la négation

Il faut ici citer un très bel exemple d’Engels pour bien comprendre ce « concept » dans « L’Anti-Dühring » p 75 : « Il en va de même en mathématiques. Prenons une grandeur algébrique quelconque, par exemple a. Nions-la, nous avons - a. Nions cette négation en multipliant - a par - a, nous avons +a², c'est-à-dire la grandeur positive primitive, mais à un degré supérieur, à la seconde puissance. (…) la négation niée est si ancrée dans qu'il a dans tous les cas deux racines carrées, soit a et -a. Et cette impossibilité de se débarrasser de la négation niée, de la racine négative contenue dans le carré prend une signification très sensible dès les équations du second degré. ».
De cet exemple on peut tirer trois enseignements :
 • Engels est nul en arithmétique : pour faire sa 1° négation, il multiplie correctement a par – 1 pour avoir -a, mais au moment de faire la 2° négation, au lieu de multiplier à nouveau par -1, tout à coup, il multiplie -a par lui-même (en quoi est-ce une négation ?) pour arriver évidemment à ! Et personne ne peut comprendre pourquoi la négation est tantôt un carré tantôt une multiplication par -1 ! Il est vrai, qu'il aurait fait sa négation de la négation en multipliant à nouveau comme il faut par -1, il serait alors retombé sur a... ce qui ne présentait aucun intérêt et donnait même un exemple d'un ennui sans nom.
 • Suis une belle envolée lyrique sur bien supérieur à a... On comprend le message : si la classe ouvrière fait sa négation de la négation, grâce au Matérialisme Dialectique, elle sera la « classe ouvrière au carré », bien supérieur à la classe ouvrière simple pré-marxiste et deviendra donc la classe dominante !
 • Enfin Karl Popper, sur cet exemple de matérialisme dialectique d’Engels, ajoute perfidement la remarque suivante : « Et dans quel sens a² est « plus grand » que a ou -a ? (Certainement pas dans le sens d’être numériquement plus grand car si a = 0,5 alors a² = 0,25). Cet exemple montre l’arbitraire extrême avec lequel les idées vagues de la dialectique sont appliqués. » [POPPER K., « Conjecture and Refutation », 1963, Ed. RouteLedge, p 434]
 • Nous somme bien devant une pseudo-philosophie, ou pseudo-science au choix.

Autre exemple des apports irremplaçables de la logique dialectique, toujours p 75 : « Les mathématiques élémentaires, les mathématiques des grandeurs constantes, se meuvent, du moins dans l'ensemble, à l'intérieur des limites de la logique formelle; les mathématiques des grandeurs variables, dont le calcul infinitésimal forme la partie la plus importante, ne sont essentiellement que l'application de la dialectique à des rapports mathématiques. ». Note : Où voit-il une telle chose ? « (…) Mais presque toutes les démonstrations des mathématiques supérieures, dès les premières démonstrations du calcul différentiel, sont, à strictement parler, fausses du point de vue des mathématiques élémentaires. ». Note : Heureusement, Engels est là car aucun de nos grands mathématiciens ne l’avait vu ! « Il ne peut en être autrement, dès que, comme c'est ici le cas, l'on veut démontrer au moyen de la logique formelle les résultats obtenus sur le plan de la dialectique. ». Note : on connaît bien les résultats très riches de la Logique Formelle ou du calcul différentiel, mais encore faudrait-il qu’il nous démontre quels sont les « résultats » obtenus par la dialectique ?

Dernier exemple d’Engels p75, montrant ici l’apport déterminant du matérialisme dialectique et sa négation de la négation à la biologie et à l’horticulture : « par exemple un dahlia ou une orchidée; traitons la semence et la plante qui en naît avec l'art de l'horticulteur : nous obtiendrons comme résultat de cette négation de la négation non seulement davantage de semence, mais aussi une semence qualitativement meilleure, qui donne de plus belles fleurs, et toute répétition de ce processus, toute nouvelle négation de la négation renforce ce perfectionnement. ».
Remarque importante : Cet exemple est intéressant car il avait été utilisé il y a 2400 ans par Aristote puis repris il y a 800 ans par Thomas D’Aquin, comme on le voit ce n’est pas récent… Mais ces deux philosophes avaient eux compris correctement ce que signifiait la transformation de la graine en plante générant à son tour des graines. La nature, la propriété de la graine, son être, est précisément de pouvoir se transformer, d’évoluer en plante par la germination. Cette possibilité fait partie intrinsèquement de son être, c’est même selon Aristote sa finalité. Ces deux philosophe nous expliquent que la graine est en puissance plante, elle-même en puissance graines. Loin de se nier, la graine se réalise positivement en devenant plante, car c’est le propre de son être. Sans le savoir Aristote et Th. D’Aquin ont souligné, par là même, la plus grave des erreurs du Matérialisme Dialectique : Marx et Engels prennent pour une négation, voire une négation de négation, ce qui est en réalité hautement positif, car passage de la puissance à l’acte, de la graine, se réalisant pleinement en germant et en devenant plante. Cette grave erreur est pire qu’une erreur, c’est une inversion de la pensée, qui prends pour une négation (donc destruction) une évolution normale et positive d’un être qui se réalise librement pour ce qu’il est vraiment : passage de la graine qui est en puissance une plante, à la plante en acte. On comprend mieux alors toutes les destructions systématiques qui ont pu accompagner et accompagne encore les prises de pouvoir par des régimes Marxistes. Ces destructions étant vues comme autant de négations (et négations de la négation) bien fondées et nécessaires à l’avènement de la dictature supposée du prolétariat, voire même vengeance contre les bourgeois et leurs réalisations.

IV-5-3) Pour la transformation de la quantité en qualité

C'est la transformation de la quantité en qualité, Engels, mais aussi Marx en donnent de nombreux exemples. L’exemple préféré de Engels - qui revient souvent chez Marx, Lénine puis Staline - est celui de l’eau à différentes températures. Ainsi : « Nous avons donné là un des exemples les plus connus : celui de la transformation des états d'agrégation de l'eau qui, sous pression atmosphérique normale, à 0 °C, passe de l'état liquide à l'état solide et à 100 °C, de l'état liquide à l'état gazeux, en sorte qu'à ces deux tournants, le changement purement quantitatif de la température entraîne un état de l'eau qualitativement changé. ». [Engels « L’Anti-Dühring » p 71]. Certes, mais cela ne fait pas une science. Tout d’abord ce genre d’analyse très intéressante, n’apporte rien aux vrais scientifiques. Ensuite on a l’impression d’être revenu à l’Antiquité ou au Moyen-Age dont les penseurs avaient déjà amplement travaillé les problèmes de de qualité des corps, qualité (Forme) opposée à la quantité (Matière), comme avec Platon ou au contraire unies comme avec Aristote et Thomas D'Aquin. Arrivé au au XIX ° siècle, il aurait été temps de dépasser cela.. D’ailleurs, à la même époque, les vrais scientifiques étaient capables de quantifier précisément le flux d’énergie nécessaire pour faire passer un kilo d’eau de glace à liquide en fonction de la pression atmosphérique. Cela s’appelle la Thermodynamique. Cette (vraie) science a permis de créer les machines à vapeur, car elle maîtrisait les flux d’énergie nécessaires (ex : l’enthalpie libre de la 2° loi de la Thermodynamique) par contre on n’a jamais vu une locomotive avancer avec de la « loi de la  transformation de la quantité en qualité » dialectique ! En physique, et en Systémique, on appelle cela un changement de phase, mais cet apport d’énergie ne change pas la qualité de l’eau, elle va provoquer un changement de phase de l’eau, les molécules d’eau restant des molécules d’eau ! Ce qui est différent. Car ici précisément, la qualité de l’eau est unique, en physique on parle d’ailleurs de propriété : le propre de l’eau, sa caractéristique, sa propriété, son être aurait dit Aristote, est d’avoir deux changement de phases à 0 °C et 100 °C à 1 bar de pression atmosphérique, sous l’effet d’un flux d’énergie. La Systémique évoque aussi dans ce type de cas l’émergence, (voir II-5-1), d’une nouvelle organisation du système (ici l’organisation des molécules d’eau entre elles), c’est l’auto-éco-ré-organisation de la Systémique. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle « qualité ». De plus avec cette notion de « quantité se transformant en qualité », c'est l’énergie qui devrait se transformer de glace en liquide à 0 °C, puisque c'est l'énergie dont la quantité s'accroît et non l'eau !

Dans un autre exemple Engels cherche à faire varier la quantité de la matière directement concernée par le changement de qualité afin d’éviter l’écueil de la variation de l’un (l’énergie) censé faire changer la qualité de l’autre (l’eau) et ainsi mieux répondre au précepte de la dialectique de la transformation de la quantité en qualité : « Cependant le domaine dans lequel la loi de la nature découverte par Hegel connaît ses triomphes les plus prodigieux est celui de la chimie. On peut définir la chimie comme la science des changements qualitatifs des corps qui se produisent par suite d'une composition quantitative modifiée. Cela, Hegel lui-même le savait déjà (Logique, éd.. compl. III, p. 433). ». Note  : technique habituelle chez les marxistes matérialistes dialectiques : s’approprier après coup des découvertes scientifiques faites par d’autres, ici c’est grâce à Hegel, qui était un grand chimiste selon Engels, qu’il a été possible de découvrir et fabriquer les protoxyde d'azote et pentoxyde d'azote… belle falsification de l’histoire ! : « (…) Quelle différence entre le gaz hilarant (protoxyde d'azote N2O) et l'anhydride azotique (pentoxyde d'azote N2O5) ! Le premier est un gaz, le second, à la température habituelle, un corps solide et cristallisé. Et pourtant toute la différence dans la combinaison chimique consiste en ce que le second contient cinq fois plus d'oxygène que le premier. » [Engels F., « Dialectique de la nature » p 55].
Engels ne comprends pas que dans l'exemple qu’il donne sur le protoxyde d'azote N2O versus le pentoxyde d'azote N2O5, il ne s’agit pas d’un simple ajout de quatre atomes d’oxygène à un tas de deux atomes d’azote et un d’oxygène pour donner un nouveau tas de deux atomes d’azote et cinq atomes d’oxygène. Il s’agit au contraire de réactions chimiques complexes, produisant de nouvelles structures atomiques, organisées autrement et d’une manière très précise. Les chimistes ne peuvent d’ailleurs pas produire du pentoxyde d’azote N2O5 en ajoutant 4 atomes d'oxygène au protoxyde d’azote N2O ! Il doivent opérer par une réaction chimique complexe : P4O10 + 12 HNO3 → 4 H3PO4 + 6 N2O5 à partir de composés chimiques, l'acide nitrique HNO3 et le pentoxyde de phosphore P4O10 eux aussi complexes et qui auront dû être produit préalablement... et n'ont rien à voir avec le protoxyde d'azote N2O. Sa soit-disant dialectique de la quantité se transformant en quantité, est juste fausse : la production de pentoxyde d’azote N2O5 se fait au contraire par l’émergence Systémique d’un nouveau système moléculaire, par une auto-ré-organisation via des réactions chimiques complexes des inter-relations entre atomes et en partant de molécules qui ne sont pas le protoxyde d'azote N2O
La molécule qu’il prend en exemple, le pentoxyde d’azote, a aussi une configuration spatiale très précise – comme toutes les molécules d’ailleurs – avec un angle de 114° entre les deux liaisons électroniques reliant l’atome d’oxygène central aux deux atomes d’azote. Cette géométrie spécifique est cruciale dans la compréhension de cette molécule et de ses propriétés, chose qu’Engels ne voit pas avec sa dialectique et son simple ajout de quantité bien cartésien… D’ailleurs ces configurations spatiales, l’organisation, la structure du système constitué par une molécule est une clé incontournable de la compréhension en chimie organiques. On ne peut pas faire de chimie organique sans cela. De plus cette nouvelle molécule peut être instable, comme c’est le cas du pentoxyde d’azote. Il est en double réaction ionique N2O5 ↔ [NO2+][NO3-] en se décomposant puis se recombinant au niveau de l’atome d’oxygène relié aux deux atomes d’azote, entre trois types de structures atomiques différentes N2O5, NO2+ et NO3-, sans apport d’aucune quantité supplémentaire d’atomes ! :


On voit bien que l’un des plus grand penseur du Marxisme vénéré encore maintenant par beaucoup, a lu à droite et à gauche quelques littératures plus ou moins scientifiques, il analyse de même sur un chapitre entier de « Dialectique de la nature » le… spiritisme. Il a ensuite tout mélangé pour y retrouver à tout prix son matérialisme dialectique sacro-saint à travers un charabia pseudo-scientifique. On est donc en pleine confusion avec les Matérialistes Dialectiques Marxistes, qui s’apparentent ainsi à des charlatans cherchant à revendiquer (via des erreurs et des incompréhensions grotesques) l’appropriation après coup des découvertes scientifiques. En réalité, pas une seule découverte scientifique n'a été faire avec cette « méthode »...

IV-5-4) Positivisme, évidence cartésienne de la « vérité objective » et du socialisme scientifique pour J.V. Staline

Conscient de la faiblesse philosophique du matérialisme dialectique, J.V. Staline a voulu en 1938 faire rédiger par une commission un texte à sa signature, et donc incontestable : « Matérialisme dialectique et Matérialisme historique ».
Le but de ce texte court était de remettre au clair les fondements du matérialisme dialectique, puis du matérialisme historique : « Le matérialisme historique étend les principes du matérialisme dialectique à l’étude de la vie sociale ; il applique ces principes aux phénomènes de la vie sociale, à l’étude de la société, à l’étude de l’histoire de la société. » [Ibid, p 1]. Afin de montrer « quel trésor théorique Lénine a sauvegardé pour le Parti contre les atteintes des révisionnistes et des éléments dégénérés, et quelle importance a eu la parution de l'ouvrage de Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme, pour le développement de notre Parti. » [Ibid, p 20].
Staline commence par user du même artifice que Marx (voir IV-6) : il assène des affirmations répétées sans démonstrations via des glissements sémantiques, des manipulations psychologiques, afin de les faire passer comme étant valides pour un lecteur peu attentif (ou déjà convaincu…). Il ainsi recours à maintes reprises au tour de magie suivant :
  1. il part d’une implication (A → B) qui peut sembler d'une évidence toute cartésienne au sens commun bien qu’aucunement prouvée scientifiquement.
  2. Puis il écrit « si A est vrai, il est clair que B est naturel, vrai, inévitable, justifié etc... », ce que le lecteur est contraint d’approuver. Il ne cherchera pas à le contester puisque « évident » intuitivement au sens cartésien du terme, or on a vu en (IV-2) la peu de valeur de ces « évidences ».
  3. Puis il conclu « Par conséquent B est vrai », et la pseudo démonstration est faite! 
Or, quand as-t-il démontré que A est vrai ? Quand as-t-il démontré que l'implication (A → B) est vraie ? Jamais ! Il confirme ainsi que le Matérialisme Dialectique ne repose pas sur le réel, tester l’hypothèse – au sens de Popper - « Si A est vrai » via une expérience menée dans le monde réel n’est jamais envisagé... de même que le test de l'implication (A → B) d'ailleurs.
Par exemple : « S’il est vrai que le passage des changements quantitatifs lents à des changements qualitatifs brusques et rapides est une loi du développement, il est clair que les révolutions accomplies par les classes opprimées constituent un phénomène absolument naturel, inévitable. Par conséquent, le passage du capitalisme au socialisme et l’affranchissement de la classe ouvrière du joug capitaliste peuvent être réalisés, non par des changements lents, non par des réformes, mais uniquement par un changement qualitatif du régime capitaliste, par la révolution. Par conséquent, pour ne pas se tromper en politique, il faut être un révolutionnaire et non un réformiste. Poursuivons. S’il est vrai que le développement se fait par l’apparition des contradictions internes, par le conflit des forces contraires sur la base de ces contradictions, conflit destiné à les surmonter, il est clair que la lutte de classe du prolétariat est un phénomène parfaitement naturel, inévitable. » [Ibid, p 6].
Ici, la pseudo-démonstration s’écroule car il n’a jamais été démontré la vérité de sa soit-disant « loi » historique typiquement historiciste du « passage des changements quantitatifs lents à des changements qualitatifs brusques et rapides est une loi du développement, » ni celle du « développement se fait par l’apparition des contradictions internes  ».
Non seulement « Si A est vrai » n’est jamais démontré, mais Il peut même avoir recours à une implication (A→ B) ad-hoc inventée de toute pièce, non démontrée et ne relevant ni du sens commun ni de l’évidence cartésienne. Ici il décrète une implication logique entre une supposée « loi de la nature » censée se retrouver mécaniquement dans une « loi de la vie sociale »… tout en ayant toujours recours à son tour de magie répétitif : « S'il est vrai que la liaison des phénomènes de la nature et leur conditionnement réciproque sont des lois nécessaires du développement de la nature, il s'ensuit que la liaison et le conditionnement réciproque des phénomènes de la vie sociale, eux aussi, sont non pas des contingences, mais des lois nécessaires du développement social. Par conséquent, la vie sociale, l'histoire de la société cesse d'être une accumulation de "contingences", car l'histoire de la société devient un développement nécessaire de la société et l'étude de l'histoire sociale devient une science. Par conséquent, l'activité pratique du parti du prolétariat doit être fondée, non pas sur les désirs louables des "individualités d'élite", sur les exigences de la "raison", de la "morale universelle", etc., mais sur les lois du développement social, sur l'étude de ces lois. » [Ibid p 8].
Staline démontre donc une fois de plus le caractère résolument historiciste et le scientisme positiviste pseudo-scientifique du matérialisme dialectique marxiste... Grâce à cette « méthode », il arrive ainsi à la conclusion du caractère prétendument scientifique du socialisme : «  Poursuivons. S'il est vrai que le monde est connaissable et que notre connaissance des lois du développement de la nature est une connaissance valable, qui a la signification d'une vérité objective, il s'ensuit que la vie sociale, que le développement social est également connaissable et que les données de la science sur les lois du développement social, sont des données valables ayant la signification de vérités objectives. Par conséquent, la science de l'histoire de la société, malgré toute la complexité des phénomènes de la vie sociale, peut devenir une science aussi exacte que la biologie par exemple, et capable de faire servir les lois du développement social à des applications pratiques. Par conséquent, le parti du prolétariat, dans son activité pratique, ne doit pas s'inspirer de quelque motif fortuit que ce soit, mais des lois du développement social et des conclusions pratiques qui découlent de ces lois. Par conséquent, le socialisme, de rêve d'un avenir meilleur pour l'humanité qu'il était autrefois, devient une science. » [Idem p8]. Or, comme l’explique K. Popper, Bachelard ou B. d’Espagnat le monde n’est pas connaissable directement, il est voilé, on ne peut qu’espérer éliminer, réfuter, les théories fausses, et plus la flamme vacillante des sciences progresse, plus elle dévoilent des ombres de plus en plus grandes et mouvantes comme le dit si bien G. Bachelard. En aucun cas les théories scientifiques ne peuvent prétendre à une « vérité objective » !
Par cette « méthode » Staline parvient ainsi à « démontrer scientifiquement » que :
  1. le socialisme est scientifique et qu'il est capable d’atteint la « vérité objective » ; 
  2. le socialisme atteint cette « vérité objective » scientifiquement également pour les phénomènes de la vie sociales, autant que pour la nature ; 
  3. le « parti du prolétariat » peut par conséquent se passer des « exigences de la "raison", de la "morale universelle" », justifiant ainsi toutes les persécutions, Goulags, privations de libertés et massacres. 
  4. il faut mieux faire des révolutions que des réformes, en cela d’ailleurs Staline contredit Engels et Lénine pour qui l’ajout de quantité (en l’occurrence de réformes ici) doit suffire à amener « la transformation de la quantité en qualité » c’est à dire l’évolution qualitative de la société, c’est la 3° « loi » du Matérialisme Dialectique (voir IV-5-3) qui devient subitement fausse ! 
Le matérialisme dialectique marxiste est un positivisme : Staline y exprime la croyance naïve que la science peut atteindre la Vérité avec un grand "V". A partir de là, on comprends très bien le comportement des communistes chaque fois qu’ils sont arrivés au pouvoir : détenant la Vérité, tout individu tentant de mettre en doute celle-ci ne peut être que dans l’erreur et, s’il persiste dans son erreur manifeste, doit être rééduqué voire éliminé physiquement pour les plus récalcitrants d’entre eux à la Vérité absolue marxiste.

Le matérialisme dialectique marxiste est également une idéologie extrémiste : Staline, (et Engels ou Lénine) ne donne ici que le choix entre deux positions extrêmes : le « tout idéalisme » ou le « tout matérialisme » , il n’y a pas d’alternative. C’est un tiers exclu « philosophique » qui rends impossible l’approche systémique qui se refuse à séparer, tout comme Aristote, Idée/Forme et Matière, qui sont au contraire intimement liés comme on l’a vu dans cet essai. Pour eux, il n’y a que le matérialisme ou l’idéalisme, ce dernier étant considéré comme l’ennemi à abattre, il n’y a pas de juste milieu comme le recommandait pourtant Aristote. Ainsi Hegel et consorts soutiennent que les Idées créent le Monde/Matière. Alors qu’il apparaît avec Aristote et la Systémique que Idées/Formes/Structures/Organisations (peu importe comment on l’appelle) étant inséparables de la Matière, les uns ne peuvent exister sans l’autre et vice-versa. Les Idées ne peuvent donc pas créer ou précéder la matière (et inversement), ce débat est autant puéril que stérile, stérilisant d’ailleurs toute pensée. C’est un autre grand point d’opposition à la Systémique.
Ce point est très important car alors qu’idéalistes et matérialistes sont des panlogisme soutenant la « philosophie des identités » c’est à dire seulement une correspondance entre Idées et Matière, la Systémique avec les Constructivistes épistémologiques et K. Popper ne soutiennent absolument pas cette position : Le Monde réel est donné mélange intime de Matière et Idée/Forme, mais il est voilé et ce que Hegel et Marx appellent Idées ne sont que nos théories, qui – si elles sont scientifiques - ne pourront au mieux qu’être testées afin de savoir si elles sont fausses et donc à réfuter, et sans jamais savoir si elles sont vraies, contrairement à ce que croient les Positivistes ou les Marxistes (et beaucoup de religions….) qui prétendent atteindre la Vérité.
Cette « science » ou méthode du Matérialisme Dialectique Marxiste est donc opposée à la Systémique. Chose qu’Engels lui-même confirme : « Le tout est plus grand que la partie. Cette proposition est une pure tautologie, puisque l'idée quantitative de “ partie ” se rapporte d'avance d'une manière déterminée à l'idée de “ tout ”, en ce sens que le mot “ partie ” implique à lui seul que le “ tout ” quantitatif se compose de plusieurs “ parties ” quantitatives. En constatant cela expressément, ledit axiome ne nous fait pas avancer d'un pas. » [ENGELS F. « L’Anti-Dhuring », p 32], passant ainsi à côté du concept d’émergence systémique, incompatible avec « la transformation de la quantité en qualité »..
En effet il apparaît que la Systémique, comme décrit en (II-3-6-b) et plusieurs fois dans cet essai, s’attache à prendre :
   • de multiples points de vue, de multiples dimensions ou angles d’attaques d’une question, ou bien même de découpes différentes dans le réel, de l’objet étudié. Cette approche multiple toute pascalienne s’opère avec prudence, via des aller-retours de constructions et déconstructions progressifs (voir Derrida), multiples du système étudié, au cours d’un cheminement constructiviste. Elle est donc plus riche et diverse que la chaîne bien cartésienne des thèses/ anti-thèses/ synthèses par couple binaires d’oppositions supposées. 
   • en compte des transformations progressives via des boucles de rétroactions non-linéaires avec ou sans retards temporels, mais pouvant déclencher des changements d’équilibres ponctués, des déséquilibres explosifs, voire même des évolutions structurelles. Elle travaillera sur l’étude d’équilibres ponctués homéostatiques, ici encore, multiples. La dialectique, elle, ne prends en compte que des oppositions binaires : être et néant, l’eau en-dessous et en-dessus 0°C, vie et mort, contingence et nécessité, cause et effet, identité et différence, thèse et antithèse sur un point de vue unique aboutissant nécessairement à une synthèse unique, globale et se voulant explicative. 

La Systémique utilisera autant d’approches et oppositions qu’il le faudra pour l'étude d’un système complexe non linéaire en équilibre dynamique ponctué. Ainsi, nous sommes loin du système clos de catégories prédéterminées d’Hegel, révélateur en passant du caractère idéaliste de sa dialectique : catégories immuables et incorruptibles comme les Idées platoniciennes en recherche du point fixe cartésien. Ceci explique d’ailleurs la facilité avec laquelle Engels et Marx ont pu récupérer et développer la dialectique matérialiste en partant de la dialectique d’Hegel, et démontre une nouvelle fois la proximité qu’il y a entre matérialisme et idéalisme, comme deux soit-disant opposés qui se rejoignent, en vraie fracture avec la Systémique et Aristote. Ainsi apparaît la véritable opposition de la dialectique avec la Systémique : ni matérialiste ni idéaliste, ni pour ni contre, ni être ni néant, mais opérant par de multiples approches, de multiples dimensions. En effet comment accepter la cause et l'effet comme catégories dialectiques (opposition avant/après la cause) lorsque l’on a pris conscience du multiple jeu des boucles de rétroactions existantes à étudier sous chacun de leurs angles : temporel (effet retard ou non), flux de matière, flux d’énergies, flux d’informations… ? Comment accepter la nécessité et contingence comme catégorie alors que l’on connaît le caractère relatif de ces concepts, dans les boucles inter ou rétro-actives non linéaires ou quelque chose pourra être tout à la fois nécessaire et contingent ? Comment accepter – une fois de plus - une approche de type binaire (la « di-alectique » ?) cartésienne, réductrice et positiviste lorsque l’on voit la complexité des systèmes non linéaire, ou [(A)] doit est supposé opposé à [(non A)] dans une tautologie fausse unique et appauvrissante du [(A) et (non A)] ? Cette réflexion sur l’aspect doublement multiple de l’approche Systémique en opposition à celle simplement unique et faite d’oppositions binaires de la dialectique sera développée en (V-16).

Finalement on peut noter que Staline lui-même abandonne sans hésiter le matérialisme dialectique à la fois science et philosophie lorsque les choses deviennent dramatiques et que son sort personnel est en danger. Il revient alors à la bonne méthode des essais, confrontation/tests face à la réalité du terrain et rejet des théories réfutées par le réel, en l’occurrence les champs de batailles de 1942 réfutant les MIG-3 mais non les IL-2. Ainsi Staline « adressa le télégramme suivant à Shenkman et Tretiakov: Vous avez laissé tomber notre pays et notre Armée rouge. Vous avez le culot de ne pas fabriquer d'IL-2 jusqu'à présent. Notre Armée rouge a maintenant besoin d'un avion IL-2 comme l'air qu'il respire, comme le pain qu'il mange. Shenkman produit un IL-2 par jour et Tretyakov construit un ou deux MiG-3 par jour. C'est une moquerie de notre pays et de l'Armée rouge. Je vous demande de ne pas essayer la patience du gouvernement et d'exiger que vous fabriquiez plus de IL. Ceci est mon dernier avertissement. » -  Staline Ilyushin Il-2 – https://fr.qaz.wiki/wiki/Ilyushin_Il-2.  

SUITE du Blog : Marxisme (Marw, Engels, Lénine)

Benjamin de Mesnard