dimanche 30 novembre 2008

III) Théories alliées à la Systémique (Spinoza et Leibniz)


III-2-2) Spinoza (1632-1677)

(Réécrit le 11/08/2018)
 
Spinoza s’est particulièrement intéressé à la question de l’Âme, de l’Esprit et du Corps et à la question du pourquoi de l’existence du mal dans le monde. Cartésien au départ, il se livra à une critique approfondie de Descartes pour finalement prendre des positions holistiques et classées par certains à son époque comme athées, au sens où il ne croyait plus au dieu « humain trop humain » comme aurait dit Nietzsche, des religions chrétienne, juive, ou musulmane.
  • Un Dieu-Substance infinie immanent et non un Dieu « humain trop humain » transcendant : 
En effet pour lui dieu est une substance cause d'elle-même, infinie et unique, mais par conséquent dénuée d’humanité, d’amour, de haine, de colère, de volonté, etc. comme si souvent décrit dans les écritures dites saintes de ces religions qui, pour lui, n’ont été écrites que par des hommes. Dès le départ dans l’Éthique Spinoza expose clairement sa position : « J'entends par Dieu un être absolument infini, c'est-à-dire une substance constituée par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. » [SPINOZA, Baruch, L’Éthique , p 2, Flammarion]. « Dieu est la cause immanente, et non transitive, de toutes choses. » [Ibid, Prop. XVIII, p 16]. Cette substance unique est donc holistique, cause de tout ce qui existe : Âmes individuelles (mot que Spinoza évite soigneusement...), Esprits, Corps en Forme et Matière, elle est aussi cause d’elle-même. Dieu c'est la Substance infinie et la Substance infinie c'est Dieu, par extension, nous dirions aujourd'hui l’Univers voire le Multivers… mais il n'est pas évident que cela judicieux... Pour lui, tous les corps, y compris le corps et l’esprit humain qui ne font qu’un, sont des composés de substances à des degrés divers, issus de la substance unique. C'est un Dieu-Substance infinie immanent et non transcendant, opposition radicale avec les religions judéo-chrétiennes et musulmanes…
Il était particulièrement critique à l’égard d’Aristote pour ses Essences et ses Formes Substantielles qui selon lui ne décrivent rien et n’éclairent pas sur les propriétés des corps, à l’image de « vertu dormitive » de l’opium qui n’explique rien pour Molière. Il se référait souvent à l’atomisme ancien –et non à l’atomisme de son époque- car ils lui paraissaient plus rigoureux et plus détachés des superstitions.
  • L’Équifinalité/Homéostasie avec trois siècles d’avance : 
Il admet la Cause Première, et la cause Efficiente, au sens du Dieu-Substance infinie spinozien, fort différente au demeurant de l’Intention de l’ingénieur humain :
« Corollaire I : Il suit de là que Dieu est la cause efficiente de toutes les choses qui peuvent tomber sous une intelligence infinie. 
Corollaire II : Il en résulte, en second lieu, que Dieu est cause par soi, et non par accident. 
Corollaire III : Et, en troisième lieu, que Dieu est absolument cause première. ». [Ibid, Prop. XVI, p 14, Flammarion].
Cela lui évite de retomber dans les problématiques téléologiques aristotélicienne puisque le Dieu-Substance infinie n'a pas de volonté. Son explication rappelle d’une manière frappante le Forme spatio-temporelle de la Systémique déjà évoqué ici en (III-2-1), précisément en traitant… d’Aristote. Elle ne fait pas appel à une Intention divine de type volonté divine ressemblant par trop à une volonté humaine des religions monothéistes , car pour lui, Dieu n’a pas de volonté, mais est cependant bien substance infinie cause de tout, et en particulier de lui-même, il y a donc bien de ce fait une « production divine » mais qui ne présente aucun caractère humain (ni volonté, but, sentiments, perception, envie, intelligence,…). Il évacue ainsi la Cause Finale d’Aristote pour introduire quelque chose qui se rapproche étonnamment de l’Équifinalité/Homéostasie systémique ! De même, il se trouve alors -avec trois siècles d’avance- en opposition radicale avec Hegel et Marx : l’Histoire n’est pas orientée, elle n’a pas de but, pas de fin, les millénarismes ne sont plus possible. Tout ce que l’on peut dire, c’est que le Dieu-Substance infinie EST, il EST entièrement, de tout temps puisqu’il EST le Temps autant que l’Espace.
  • Par delà le Bien et le Mal (en soi), il y a le bon et le mauvais (pour soi) : 
Ces explications de Formes spatio-temporelles sont particulièrement développées dans ses lettres avec Blyenbergh, qui, lui, raisonne dans le temps et dans une approche dialectique : avant la faute/ après la faute d’Adam au sujet du Mal. Blyenbergh décrit alors bien quel problème cela pose : si Dieu est tout-puissant et que la volonté humaine est illusion, alors le Mal vient directement de Dieu, mais comment cela est-il possible puisqu’il est infiniment bon ? Il se voit opposer par Spinoza que Dieu -au sens de Spinoza- ne peut « pousser » au mal ses propres créatures que nous sommes puisque celles-ci sont une émanation de la substance infinie unique (le Dieu-Substance infinie) en quelque sorte « d’un seul coup », entièrement mais sans notion du temps humain. Il précise d’ailleurs que la volonté et la liberté de choix d’un individu sont « vus » (mais il n’a le sens de la vision...) de Dieu-Substance infinie comme une illusion puisque l’ensemble des actes de cet individu étaient compris dans la substance unique infinie d’origine : c’est bien une description de la Forme spatio-temporelle. Gilles Deleuze le résume fort clairement : « Pas de Bien ni de Mal du point de vue de la nature pour une raison très simple c’est que dans la nature il n’y a que des compositions de rapport. La nature c’est précisément l’ensemble infini de toutes les compositions de rapport. » [DELEUZE, Gilles, cours du 20/01/1981, Paris 8°]. En passant on note la similitude entre les rapports et les changements de rapports dans une « nature particulière » de Spinoza d’avec les états et changements d’états dans un système, quatre siècles avant la Systémique… Il n’y a donc pas de Bien ou de Mal en soi, mais du bon ou du mauvais pour moi. Ce qui est bon pour moi (un aliment qui convient à ma nature par exemple) augmente ma puissance, me rends plus fort, et me rempli de passion de joie ; ce qui est mauvais pour moi, (du poison par exemple) diminue ma puissance, ma rends plus faible et me livre à une passion triste. Là encore Spinoza devance la Systémique d’une manière frappante : un système peut recevoir de son environnement une entrée (un « input ») qui peut soit le stabiliser, le « nourrir », améliorer son équilibre dynamique ponctué ; soit, au contraire le déstabiliser, voire le détruire en l’éloignant de ses équilibres dynamiques possibles. Ainsi manger de la viande sera mauvais pour un herbivore mais bon pour un carnivore. Pour une plante, trop ou insuffisamment de soleil sont mauvais, il lui faut juste le bon niveau d’ensoleillement. On retrouve les concepts d’ergodicités et de plages d’équilibres dynamiques ponctués et de domaine de stabilité d’un système vu par exemple en (II-4-1). Il n’y a donc pas de bon/Bien ou de mauvais/Mal dans l’absolu, c’est l’erreur des  religions monothéistes ou encore du Marxisme avec les camps du Bien (la classe ouvrière) et le camp du Mal (personnifié par « le » Capital). Spinoza ira jusqu’à préciser que le concept du Mal n’est qu’une invention humaine, dans une perspective humaine, indifférente à la substance unique infinie, Dieu-Substance infinie, puisque celle-ci ne raisonne pas, ne sent pas, etc. comme nous (humain, trop humain… !). En passant on peut noter que « Bien » et « Mal » sont les représentants typique des hypostases alias personnalisations dénoncées par Simone Weil, ce sont ces mots vides munis de majuscules : « Mais qu'on donne des majuscules à des mots vides de signification, pour peu que les circonstances y poussent, les hommes verseront des flots de sang, amoncelleront ruines sur ruines en répétant ces mots, sans pouvoir jamais obtenir effectivement quelque chose qui leur corresponde ; rien de réel ne peut jamais leur correspondre, puisqu'ils ne veulent rien dire. » [WEIL, Simone, « Ne recommençons pas la guerre de Troie » en 1937, Œuvres, Ed. Quarto Gallimard, p 473], vision ô combien prophétique !

  • La question du déterminisme de Spinoza :
Mais cela montre également que Spinoza était en apparence un tenant du déterminisme : « PROPOSITION XXVIII Tout objet individuel, toute chose, quelle qu'elle soit, qui est finie et a une existence déterminée, ne peut exister ni être déterminée à agir si elle n'est déterminée à l'existence et à l'action par une cause, laquelle est aussi finie et a une existence déterminée, et cette cause elle-même ne peut exister ni être déterminée à agir que par une cause nouvelle, finie comme les autres et déterminée comme elles à l'existence et a l'action ; et ainsi à l'infini. ». [Ibid, Prop XXVIII, p 20]. Le problème classique posé par le déterminisme est que celui-ci interdit par définition toute liberté à l’Homme. Or Spinoza est un fervent défenseur de ces libertés, mais cela n’est qu’un paradoxe apparent, « et ainsi à l’infini » a été souligné volontairement dans cet essai pour montrer la clé de cette liberté humaine. Tout d’abord pour le Dieu-Substance infinie spinozien il n'y a pas de « avant/après » car il EST le Temps même, tout comme l'Espace. Par conséquent, pour ce Dieu-Substance infinie, la chaîne des causes infinie est « maîtrisable », et donc donne un monde réel (et par conséquent lui-même !) déterminé pour lui. Mais cela ne suppose en rien que le réel est déterminable par l’être humain. En fait Spinoza exposait avec son vocabulaire et ses connaissances de son temps ce qui fait le caractère indéterminé du réel pour nous. Aujourd’hui, nous parlons de l’impossibilité de vaincre le problème de la sensibilité aux conditions initiales d’un système vu en (II-4-1-g) ou de l’indéterminisme de la Théorie Quantique avec l’incertitude d’Heisenberg. Avec cette précision « et ainsi à l’infini » de Spinoza, son propos ne semble pas contradictoire avec l’indéterminisme découvert par les connaissances modernes.
  • La question de la liberté individuelle : 
Par contre, Spinoza admet qu’un homme puisse être libre, mais encore faut-il définir ce terme  : « J'ai appelé libre celui qui se gouverne par la seule raison. Quiconque, par conséquent, naît libre et reste libre n'a d'autres idées que des idées adéquates, et partant il n'a aucune idée du mal (par le Coroll. de la Propos. 64, part. 4), ni du bien (puisque le bien et le mal sont choses corrélatives). ». [Ibid, Prop. LXVIII, p 162]. Cette liberté par la raison, la connaissance qui mème aux bonnes choses pour soi rejette donc l’existence du « Bien et du Mal en soi » chrétien pour aller « par delà » comme l’a dit Nietzsche et n’accepter que le bon et le mauvais pour soi, être particulier. Le bon générant la joie et le mauvais la tristesse.
La liberté pour un être humain consiste pour Spinoza à persister dans son être, dans son essence : « L'homme libre, c'est-à-dire celui qui vit suivant les seuls conseils de la raison, n'est point dirigé dans sa conduite par la crainte (par la Propos. 63, part. 4), mais il désire directement le bien (par le Coroll. de la même Propos.), en d'autres termes (par la Propos. 24, part. 4), il désire agir, vivre, conserver son être d'après la règle de son intérêt propre ». [Ibid, Prop. LXVII, p 162 ]. En passant on pourra noter que cette définition rejoint d’une part celle d’Aristote (persister dans son être), d’autre part celle du surhomme de Nietzsche, mais également celle d’Ayn Rand avec sa thèse volontairement provocante de la liberté par l’égoïsme philosophique. Pour Spinoza, tout comme pour Ayn Rand, la liberté ne peut exister qu’en obtenant des autres le respect de ses intérêts propres… La première action des états totalitaires ne consiste-il pas à spolier les gens en leur niant tout droit de propriété, avant de leur refuser tous les autres droits ? Dans cette ligne Spinoza a ainsi très logiquement défendu la liberté de pensée dans un état libre dans son Traité théologico-politique.
On est là encore sur un concept clé de Spinoza : bien que l’être humain soit issu de la substance Dieu-Substance infinie primordiale infinie et unique, sa liberté peut exister s’il suit la raison, c’est à dire s’il respecte sa nature propre en allant vers les choses bonnes et en évitant le mauvaises pour lui. La connaissance, la raison sont donc les clés de notre liberté, nous amenant aux passions de joies et non aux passions tristes. Spinoza qualifie ainsi de bon celui qui est libre, raisonnable, puissant, fort et joyeux: on retrouve donc ici la future définition du surhomme chez Nietzsche. A l’inverse, il qualifie de mauvais, l’esclave, l’insensé, l’impuissant, le faible triste:  « celui qui vit au hasard des rencontres, se contente d’en subir les effets, quitte à gémir et à accuser chaque fois que l’effet subi se montre contraire et lui révèle sa propre impuissance. (…) Comment ne pas se détruire soi-même à force de culpabilité, et ne pas détruire les autres à force de ressentiment, propageant partout sa propre impuissance et son propre esclavage, sa propre maladie, (…) Voilà donc que l’Éthique, c’est à dire une typologie des modes d’existence immanents, remplace la Morale, qui rapporte toujours l’existence à des valeurs transcendantes. » [DELEUZE, Gilles, Spinoza Philosophie Pratique, p 35, Les Éditions de Minuit, 1983]. On comprend alors pourquoi, tant chez Spinoza que chez Nietzsche, la religion chrétienne soit qualifiée de religion des faibles. De cela, certains pourraient en déduire que si un individu n’est pas capable de faire preuve de raison et de force en se livrant par conséquent à des passions tristes via des choses mauvaises pour lui, il faut alors l’obliger à éviter ces choses qui ne sont pas bonnes pour lui par un certain nombre de lois et de règlements, une surveillance policière et des punitions diverses en cas de non-respect du « bien commun ». Or cela n’est plus la liberté, libre choix de l’individu d’aller vers les passions de joie et les choses bonnes pour lui, cela s’appelle la coercition exercée par un Léviathan... Le résultat sera donc précisément à l’opposé de celui soit-disant recherché en faisant des citoyens des esclaves aux passions tristes ! Deleuze résume fort bien cet oxymore venant aussi bien d’une Église que d’un État : « La théologie considère au moins que les données de l’Écriture sont des bases pour la connaissance, même si cette connaissance doit être développée de manière rationnelle, ou même transposée, traduite par la raison : d’où l’hypothèse d’un Dieu moral, créateur et transcendant. Il y a là, nous le verrons, une confusion qui compromet l’ontologie toute entière : l’histoire d’une longue erreur où l’on confond le commandement avec quelque chose à comprendre, l’obéissance avec la connaissance elle-même, l’Être avec un Fiat . La loi, c’est toujours une instance transcendante qui détermine l’opposition des valeurs Bien-Mal, mais la connaissance, c’est toujours la puissance immanente qui détermine la différente qualitative des modes d’existences bon-mauvais. » [DELEUZE, Gilles, Spinoza Philosophie pratique, p 37, 1981]. Et Deleuze continue page suivante par deux passages de toute beauté : « Spinoza dans toutes ses œuvres ne cesse de dénoncer trois sortes de personnages : l’homme aux passions tristes ; l’homme qui exploite ces passions tristes, qui a besoin d’elles pour asseoir son pouvoir ; enfin, l’homme qui s’attriste sur la condition humaine et les passions de l’homme en général (il peut les railler autant que s’indigner, cette raillerie même est un mauvais rire). L’esclave, le tyran, et le prêtre… trinité moraliste. » On pourrait dire aussi « le prêtre ou le commissaire politique »… Et il continue : « Le tyran a besoin de la tristesse des âmes pour réussir, tout comme les âmes tristes ont besoin d’un tyran pour subvenir et propager. Ce qui les unit de toute manière, c’est la haine de la vie , le ressentiment contre la vie. ». On ne peut s’empêcher alors d’évoquer « La Haine du Monde » de Chantal Delsol, le mouvement des soit-disant indignés et les très soumis « insoumis » aux passions tristes...
  • Rejet de Descartes de son concept d’Étendue et de son dualisme idéaliste : 
Il rejetait par conséquent le dualisme de la séparation du Corps et de l’Esprit de Descartes pour soutenir -tout comme Aristote- que les êtres formaient donc un tout indissociable. Dans l’Éthique il est quelque peu ironique -lui aussi- sur la question de la glande pinéale « de ce grand homme » Descartes : « Je ne puis assez m'étonner que ce philosophe, qui a pris pour règle de ne tirer des conclusions que de principes évidents par eux-mêmes, et de ne rien affirmer qu'il n'en eût une conception claire et distincte ; qui d'ailleurs reproche si souvent à l'école d'expliquer les choses obscures par les qualités occultes, se contente d'une hypothèse plus occulte que les qualités occultes elles-mêmes. Qu'entend-il, je le demande, par l'union de l'âme et du corps ? Quelle idée claire et distincte peut-il avoir d'une pensée étroitement unie à une portion de l'étendue? Je voudrais au moins qu'il eût expliqué cette union par la cause prochaine. Mais dans sa philosophie la distinction entre l'âme et le corps est si radicale qu'il n'aurait pu assigner une cause déterminée ni à cette union ni à l'âme elle-même, et il aurait été contraint de recourir à la cause de l'univers, c'est-à-dire à Dieu. Je voudrais savoir aussi combien de degrés de mouvement l'esprit peut donner à cette glande pinéale, et avec quel degré de force il peut la tenir suspendue. ». [Ibid, V° partie, p174-175]. De même, l’Étendue cartésienne est incompatible avec la substance spinozienne. Spinoza peut sembler proche des matérialistes avec sa substance unique, puisque les matérialistes soutiennent également une forme de monisme : la matière seule explique tout, il n’y a rien d’autre que la matière, pensée, esprit, ou conscience n’étant que des illusions, au mieux des artefacts. Cependant, bien que cela doivent faire l’objet d’autres débats, la substance de Spinoza est clairement différentes car pour lui, elle est à la fois Matière et Forme et donc aristotélicienne, et non Matière seule.



III-2-3) Leibniz (1646-1716)

Vu par certains à tort comme le continuateur de Descartes, il rêvait comme Raymond Lulle d’un Langage Universel et d’une Paix Universelle. Dans sa monadologie il décrit les rapports du microcosme avec le macrocosme :
Extraits :
Citations I Monadologie :
Toute substance ou monade est comme un monde entier et comme un miroir de Dieu ou encore de tout l’Univers, qu’elle exprime chacune à sa façon. Chaque monade est comme un miroir vivant, doué d’actions internes, représentatif de l’univers, suivant son point de vue, et aussi réglé que l’Univers même.
De la même manière : Chaque âme connaît l’infini, connaît tout, mais confusément.
1. La Monade, dont nous parlons ici, n’est autre chose qu’une substance simple qui entre dans les composés; simple c’est-à-dire sans parties.
2. Et il faut qu’il y ait des substances simples, puisqu’il y a des composés ; car le composé n’est autre chose qu’un amas ou aggregatum des simples.
3. Or là où il n’y a point de parties, il n’y a ni étendue ni figure, ni divisibilité possible ; et ces Monades sont les véritables atomes de la nature et en un mot les éléments des choses.
4. II n’y a aussi point de dissolution a craindre, et il n’y a aucune manière concevable par laquelle une substance simple puisse périr naturellement.
5. Par la même raison il n’y en a aucune par laquelle une substance simple puisse commencer naturellement, puisqu’elle ne saurait être formée par composition.
6. Ainsi on peut dire que les Monades ne sauraient commencer ni finir que tout d’un coup ; c’est-à-dire elles ne sauraient commencer que par création et finir que par annihilation, au lieu que ce qui est composé commence ou finit par parties.
7. II n’y a pas moyen aussi d’expliquer comment une Monade puisse être altérée ou changée dans son intérieur par quelque autre créature, puisqu’on n’y saurait rien transposer, ni concevoir en elle aucun mouvement interne qui puisse être excité, dirigé, augmenté ou diminué là-dedans, comme cela se peut dans les composés où il y a du changement entre les parties. Les Monades n’ont point de fenêtres par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir. Les accidents ne sauraient se détacher ni se promener hors des substances comme faisaient autrefois les espèces sensibles des scolastiques. Ainsi, ni substance ni accident ne peuvent entrer de dehors dans une Monade.

Fin de l’extrait.

Cet extrait de l’œuvre de Leibniz sur les Monades montre la reprise du thème du tout supérieur aux parties (les Monades) analysées au niveau le plus élémentaire possible, que Démocrite appelait « atomes » et que nous appellerions probablement « quark » aujourd’hui. Cependant, Leibniz est plus proche des approches atomistes, considérant que les monades étaient exclusivement des atomes, là où la Systémique peut considérer des systèmes complexes. D’autre part, Leibniz a raisonné en croyant qu’une Monade devait être absolument fermée au monde extérieur pour survivre, la Systémique dirait conserver sa structure. A l’inverse, les systèmes de la Systémique doivent être ouverts pour se maintenir en équilibre dynamique contre le deuxième principe de la thermodynamique, l’entropie.
Leibniz a construit un modèle à deux mondes, deux niveaux. Le premier niveau est constitué des « replis » de la matière, le second est constitué des « replis » de l’âme. « L’étage des replis de la matière, c’est comme le monde du composé, du composé à l’infini, la matière n’en finit pas de se replier et de se déplier, et l’autre étage, c’est l’étage des simples. Les âmes sont simples. » (Deleuze, cours du 16/12/1986). Il faut naturellement rapprocher ce modèle à deux étages de ceux plus récents à trois mondes de K. Popper, ou encore K. Boulding avec 8 niveaux de réalité identifiés/découpés (voir en (II-5-4-a)). K. Popper n’a finalement fait qu’ajouter un troisième niveau aux deux de Leibniz avec celui des créations de l’esprit humain. Il donc frappant de voir l’avance qu’a pris Leibniz sur Descartes, même si on peut critiquer aujourd’hui sa théorie des Monades, qui font cependant figure de prémonition (critiquable) à la lumière de la Systémique actuelle.
Par ailleurs, Leibniz a inventé l’approche par de multiples points de vue, insistant par exemple sur le fait que l’on ne peut pas aborder, une ville par un seul côté ou d’un seul emplacement si l’on veut la connaître : « comme une ville regardée de différents côtés paraît tout autre et est comme multipliée perspectivement, il arrive de même, que par la multitude infinie des substances simples, il y a comme autant de différents univers, qui ne sont pourtant que les perspectives d’un seul selon les différents points de vue de chaque monade » [LEIBNIZ, La Monadologie, Édition Bertrand, 1886, p 74].
Enfin pour Leibniz, comme le dit J. Bouveresse (conférence du 19 novembre 1998 à l'Université de Genève) : « le temps, l'espace et les nombres ne sont pas des réalités supplémentaires, ils constituent simplement des systèmes de possibilités auxquels sont subordonnées non seulement les choses qui existent réellement, mais également toutes celles qui n'existent pas, mais pourraient éventuellement exister. ». Approche anti platonique rappelant la Systémique.
Cependant, certains pourraient ranger Leibniz dans les théories opposées à la Systémique car –malheureusement- les Monades sont aussi interprétables comme une approches purement atomistique, proche sur beaucoup de points de Démocrite et par là même anti Systémique.

SUITE du Blog : Théories alliées à la Systémique (Pascal et Vico) 

Benjamin de Mesnard

dimanche 16 novembre 2008

III) Théories alliées à la Systémique (Aristote)

III-2) Théories apparentées à la Systémique :
III-2-1) Aristotélisme

Aristote est à la fois le philosophe de l’ontologie et du concept systémique, bien qu’il existe une différence entre Aristote et la Systémique sur le concept de finalité. Par contre sur beaucoup d’autres aspects on ne peut être que confondu par la clairvoyance de ses développements sur l’être, la forme et la matière. Il faut rapprocher ceux-ci, moyennant les réserves du (III-2-3), des Holons, du système de la Systémique, de l’organisation, et bien sûr de la sentence « le tout est supérieur à la somme des parties » qui rejette Descartes, idéalistes et matérialistes dans l’autre camp de la philosophie.
Un autre point sur lequel Systémique et Aristote se rapprochent… et divergent, est la réintroduction de la finalité. Aristote croyait à la finalité cause première et cause finale, c’est-à-dire à la finalité comme force capable d’attirer à lui l’Être en devenir. La Systémique ne peut pas bien sûr accepter ainsi un tel concept car par trop problématique, sauf dans le cas de systèmes artificiels intentionnels. Mais la Systémique a bien réhabilité le concept de finalité tel que décrit plus haut sous ceux d’ergodicité et d’équifinalité. 
Enfin Aristote employait le terme « abstraction » dans l’acte de connaissance. Dans l’acte de connaissance, nous faisons une abstraction d’après l’image de l’objet perçue par nos sens. Pour reconnaître cette personne qui marche devant moi dans la rue, des images que je reçois en regardant ce personne j’abstrais qu’il s’agit de Socrate. Mais, en rattrapant cette personne, je peux alors m’apercevoir que j’ai fait erreur et que donc mon abstraction était fausse. Dans cette description de l’acte de connaissance par Aristote on retrouve déjà les prémisses de la Systémique : l’abstraction d’Aristote n’est pas autre chose en effet que la construction du constructivisme épistémologique. On peut ajouter que contrairement à ce que croyait Platon, le sujet ne se contente pas de recevoir passivement une image copie conforme de l’objet. En réalité le sujet va devoir abstraire/construire dans sa tête ce qu’il croit comprendre de l’objet qu’il a devant lui.
Ainsi se dessine une nouvelle ligne de fracture en philosophie, qui semble plus pertinente aujourd’hui que celle identifiées dans le passé. Nous reviendrons plus loin sur cette nouvelle ligne de séparation.
  • Liens conceptuels entre Aristote et Systémique :
Aristote
Systémique
Signification
ÊtreSystèmeChoix arbitraire du niveau N ontologique choisi par le chercheur.
FormeStructure du réseau d’inter-relationsRéseau d’inter-relations entre les sous-systèmes composants l’Être-Système.
MatièreSous-systèmes *Les systèmes de niveau N-1
PuissanceCapacité ou disposition de l’Être-SystèmeCapacité ou disposition de l’Être-Système à se modifier, s’éco-auto-ré-organiser, s’adapter, ou à simplement agir face à un environnement changeant.
ActePassage à un nouvel étatL’état nouveau de l’Être-Système après avoir agit, s’être modifié, éco-auto-ré-organisé, ou adapté.
Émergence de nouvelles FormesÉmergence systémique substantielle ou accidentelleÉmergence à un certain niveau de système de propriétés/ comportements/ etc.… nouveaux non calculable et prévisibles depuis les niveaux inférieurs
L’acte de connaissance est une abstractionL’acte de connaissance est une constructionLe sujet est actif, il abstrait, (re)construit dans sa tête l’objet étudié en faisant des erreurs, des approximations pouvant être graves le cas échéant.
Cause accidentelle (Accident)Émergence accidentelleComportement transitoire nouveau (l’émergence) entre deux états dynamiquement stables, non-être : correspond au verbe « estar » en espagnol.
Cause Formelle (Substance)Émergence substantielleÉmergence ontologique, apparition d’un être (un étant) dynamiquement stable et non transitoire : correspond au verbe « ser » en espagnol.
Cause FinaleSystème résultat d'une IntentionCause Finale divine pour les êtres naturels et humaine pour les machines chez Aristote. Systèmes Intentionnels pour la systémique, deux approches différentes bien qu'ayant des points communs... Un débat central.
MétaphoreModélisation AnalogieRecours à la métaphore comme outils de discussion/ raisonnement/ dialogue entre sages. Les modèles systémiques de même sont un moyen d'approcher le réel par analogie.
Phronésis (Prudence)Prudence constructiviste (JB Vico)Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote, l'un des cinq moyens de parvenir à la vérité, par la délibération prudente.
Dialogue entre sagesDialogique (E. Morin)Lié à la prudence : l'homme prudent délibère avec ses pairs afin de soupeser les possibles contingents et prendre une décision, c'est à dire passer à l'action.
Juste Milieu (médiété)Le « Ni-ni » : ni matérialiste ni idéalisteDans la Politique Aristote défend le juste milieu des opinions ou jugements modérées loin des extrémismes. De même la systémique défend via la prudence et les approches par multiples points de vues des positions modérées et prudentes loin des extrêmes et des extrémistes.
Aristote apporte une distinction intéressante entre Être (composé de Forme et de Matière) et Forme. Cette distinction n’est pas identifiée clairement ni dans le structuralisme qui a tendance à confondre les deux, ni dans la Systémique qui identifie mieux la séparation qui existe entre le système complet lui-même et le réseau d’inter-relations qui le compose, mais sans nommer ce réseau. Ce qu’Aristote nomme Forme semble être un bon candidat pour désigner ce réseau d’inter-relations informationnel, comme d’ailleurs le nomme précisément Aristote par in-forme.

Note * : Il faut noter aussi qu’Aristote dit « que chaque ordre inférieur est pour l’ordre supérieur une matière à laquelle celle-ci donne une forme ». Cette pensée est tout à fait remarquable et la profondeur de celle-ci révèle à quel point Aristote avait anticipé la Systémique. Thomas d'Aquin, commentateur d'Aristote, dit ainsi dans la Somme contre les Gentils, livre III : « le tout est en effet toujours meilleur que les parties et il en est la fin », où l'on retrouve la double idée du tout supérieur à la somme des parties, et de la téléonomie donnée par l'étude du tout, du système « complet » et non de ses sous-ensembles séparés. En passant ici on comprend mieux pourquoi Descartes et les Positivistes rejettent logiquement à la fois la finalité et l'approche globale car elles vont de pair.
Enfin il faut noter cette citation de J. Brun : « La forme ne fait finalement qu’un avec l’essence, en tant que telle elle est ce moteur immanent qui dirige chaque chose vers une fin, toute activité motrice est donc par elle-même téléologique. » [BRUN, Jean, 1983]. En effet la Systémique reconnaît bien ce rôle (mettons un instant le débat sur la finalité de côté) dans les différentes actions/ rétro-actions avec ou sans retard de ces réseaux d’inter-relations qui font émerger à un moment donné une ergodicité et une équifinalité par l’apparition d’un nouvel équilibre dynamique ponctué non-linéaire.

Puissance et Acte sont un moyen commode trouvé par Aristote pour intégrer l’influence de la flèche du temps que le Structuralisme a toujours eu du mal à maîtriser et que le Positivisme a vigoureusement rejeté puis ignoré. La Systémique a sur ce plan nettement mieux réussi, ayant bien étudié et décrit la problématique de l’évolution des systèmes, par sélection naturelle ou artificielle ou par intention. Aristote a par contre considéré ces évolutions possibles uniquement par intention, c’est la thèse de la cause finale ou à l’inverse la cause première, qui par intention divine devient cause finale.

La Forme d’Aristote est une structure non pas seulement spatiale, comme l’a cru le structuralisme, mais spatio-temporelle, ce qui permet de résoudre d’un seul coup le problème de l’évolution dans le temps des structures ou systèmes. La puissance d’un être-système est le moyen qu’utilise Aristote pour introduire ce concept et faire comprendre qu’il faut penser à la Forme en termes d’espace mais aussi de temps.
  • Analyse des différentes de causes chez Aristote par rapport à la Systémique :
a) Cause Matérielle :
C’est ce dont une chose est faite, sa matière non formée, matière brute c'est-à-dire sans forme.
b) Cause Formelle :
C’est ce qui donne sa forme à la matière, c’est le modèle, le plan, le moule, l’information, le programme... c’est la définition de l’émergence substantielle Systémique.
c) Cause Efficiente :
C’est la cause motrice, l’origine de la forme ou de l’objet, c’est l’inventeur de l’objet. Tout comme la Cause Finale, la Cause Efficiente ne pose aucun problème de fond pour un objet artificiel intentionnel –l’inventeur est un être humain- mais en pose naturellement un pour les objets ou les êtres naturels.
d) Cause Finale :
C’est le pourquoi de l’existence de l’objet, ce pourquoi il a été inventé ou créé. La Cause Finale qui apparaît est l’expression de l’intention qu’avait l’inventeur de l’objet lorsqu’il a établi les plans (la Forme) de celui-ci. C’est l’objet du Constructivisme épistémologique, c’est l’Ingenium de J.B. Vico. La Cause Finale pose cependant clairement le débat sur l'intentionalité, concept clé s'il en est sur lequel nous reviendrons un peu plus loin.
e) Multiplicité des causes :
Il faut souligner ici qu'Aristote emploie ici « cause » au singulier car au sens générique du terme et non au sens d'une cause particulière. Alors que Descartes s'est spécialisé dans la recherche de la cause unique, singulière, véritablement à l'origine du phénomène étudié dans le but de mettre de côté toutes les autres qui n'interviennent pas; Aristote tout comme la Systémique accepte qu'il y ait de multiples causes à l'origine de ce phénomène. Les interactions entre ces différentes causes pouvant alors rendre très complexe le phénomène observé, rendant malaisé sa compréhension, surtout par un esprit cartésien s'obstinant à ne tenir compte que d'une seule et en ne voulant pas tenir des autres.
  • Analyse des différents aspects de l’Être :
a) L’Être comme catégorie : les catégories sont les modes de l’être, elles sont irréductibles. Aristote en donne une liste fixée à dix termes : essence, quantifié, qualifié, relatif, quelque part, à un moment, se trouver dans une position, avoir, agir, pâtir.

b) L’Être des quatre causes vues ci-dessus.

c) L’Être en Puissance et en Acte. Il différencie déjà le possible de la puissance -le possible n’est pas réel- et tout ce qui est en puissance n’est pas forcément possible. Exemple : un être ne réalise pas dans sa vie tout ce qu’il lui était potentiellement capable (puissance) de réaliser, certaines lui sont restées impossibles bien que en puissance du fait de certaines contraintes circonstancielles rencontrées au cours de sa vie.

d) L’Être comme Vrai. C’est un aspect occulté par Aristote, car il conçoit le vrai comme issu d’une affection de la pensée, qui unit et sépare les choses, et non comme une propriété de l’Être lui-même.

e) L’Être au sens d’accident. Sa cause est indéterminée, car c’est le hasard qui préside aux accidents des ses essences. Pour Aristote il n’y a pas de science de l’accident, car la science s’occupe de ce qui est soit universel, soit habituel.
  • Remarques sur les concepts d’émergences :
a) L’émergence accidentelle est à rapprocher de la cause accidentelle chez Aristote, apparition transitoire d’un phénomène non prévisible ou calculable au vu des sous-systèmes de niveaux inférieurs. Résultat d’un concours de circonstances fortuites, qui aura peu de chances de se répéter pendant la période d’observation.

b) L’émergence substantielle est à rapprocher de la cause Formelle, apparition stable (dynamiquement à travers un équilibre ponctué bien entendu), ayant tendance à se produire à nouveau chaque fois que des circonstances identiques (gradients de températures par exemple) se présentent à nouveau. Cette apparition là encore n’est pas prévisible, n'est pas calculable lors de l’étude des sous-systèmes du ou des niveaux inférieurs, même si elle devient prévisible par ses répétitions à conditions identiques. On entre-aperçoit ici la différence –que ne fait pas Descartes et l’Empirisme- entre cause calculable et prévisibilité. Ce n’est pas parce que quelque chose n’est pas calculable ou n'est pas le résultat d’une cause cartésienne unique et isolable, que cette chose n’est pas prévisible.

c) La Systémique par contre ne rejette en rien la cause accidentelle, comme peuvent le soutenir -tel S. Shoemaker à propos de J. Kim- qui défendent en réalité des positions réductionnistes pour tenter de rejeter le concept d’émergence, même sous une présentation nouvelle, quelle soit néopositiviste ou autre. S. Shoemaker défend ainsi l’idée que des dispositions « d’entités microphysiques » sont latentes dans le ou les niveaux inférieurs, expliquant la soi-disant émergence au niveau supérieur, pur épiphénomène. En positionnant l’émergence accidentelle (épiphénomène sans intérêt) comme seul type « d’émergence » possible, par rejet de l’émergence Formelle, ces réductionnistes/ matérialistes/ idéalistes croient pouvoir prendre comme argument que la Systémique ne défend que l’émergence substantielle, en niant l’accidentelle, qui existe pourtant d’une manière incontestable (bien que pour eux épiphénomène), ceci dans le but de d’invalider la Systémique.
  • Analyse du remplacement du finalisme aristotélicien par les propriétés du système :
Le finalisme, et en particulier la Cause Finale d’Aristote, soutient que tout système naturel, comme les artificiels, obéit à une ou plusieurs finalités. Ces finalités ont été pour Aristote assignées et crées par des causes finales dont la quintessence est la Cause Première seule capable d’expliquer les comportements d’apparences finalistes des êtres et systèmes naturels. Les débats ont été et sont toujours violents sur cette question à laquelle la Systémique veut apporter une réponse par les phénomènes décrits plus haut : équifinalité, équilibres dynamiques, ergodicité, etc.… Il s’agit moins de faire ici de l’idéologie anti-cause finale ou anti-aristotélicienne pour la Systémique que de tenter de remonter aux « vraies » causes des comportements des systèmes naturels étudiés. La cause finale par ses conséquences fatalistes a en effet longtemps bloqué l’avancée des sciences. L’esprit humain est effet empêché d’aller plus loin, dès lors qu’une cause finale ad hoc est invoquée pour expliquer tous comportements d’un système naturel.
Le tableau ci-dessous résume quels remplacements des explications finalistes par des explications systémiques ont eu lieu entre Aristote, Saint Thomas d’Aquin, et la Systémique :

Aristote et Thomas d’Aquin
Systémique
Cause efficienteCo-origination, Co-production par des réseaux spatio-temporels d’interrelations et boucles de rétro-actions donnant lieu à une émergence au niveau supérieur.
Cause finaleIngenuim de Vico, Constructivisme épistémologique, étude délibérée des finalités d’un système même s'il est naturel ou artificiel inintentionnel comme l'économie par exemple.
Intention divineIntention systémique
FinalitéÉquifinalité et ergodicité d’équilibres dynamiques ponctués non linéaires
CréationEco-Auto-Ré-organisation
  • Discussion de ces « remplacements de la finalité » :
a) Cause Finale et Rétroactions non-linéaires
La cause finale d’Aristote explique la propension d’un être à converger vers un état final toujours identique « comme si » cet état final futur attirait l’être-système vers celui-ci. La Systémique montre que grâce aux rétroactions existantes à l’intérieur du système ou encore entre celui-ci et son environnement, des boucles de rétroactions créent des états d’équilibres d’autant plus efficacement que ces rétroactions sont non-linéaires. Ces rétroactions sont alors capables dans un domaine limité (domaine d'ergodicité du système), comme on l’a vu, d’absorber, de limiter ou amortir les écarts entre les états initiaux possibles du système, ou bien encore les perturbations infligées au système, pour le ramener à un état d’équilibre. La cause finale a été rejetée sans réflexion par les positivistes au prétexte qu’une cause ne peut pas remonter le temps, qu’une cause doit toujours précéder sa conséquence. Ce rejet les a amené à passer à côté des boucles de rétroactions non-linéaires et des domaines d’ergodicité des systèmes… en bref de la Systémique.

b) Intention Divine et Intention Systémique
Cette cause finale chez Aristote correspond pour les Thomistes (Saint Thomas d’Aquin) à une intention divine qui, via la connaissance des états futurs de l’être-système, pilote celui-ci pour faire en sorte qu’il arrive à l’état final prévu, que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de préprogrammé. L’intention systémique raisonne à l’identique pour les systèmes artificiels intentionnels où son concepteur humain joue le rôle de programmeur. Pour les systèmes inintentionnels (naturels ou artificiels comme l'économie ou la société) la Systémique reconnaît ce phénomène sous le nom d’Intention Systémique afin de correctement identifier ce phénomène mais sans tomber dans l’anthropocentrisme Thomiste. La Systémique observe et reconnaît (contrairement à Descartes) ce qu’elle nomme « attracteur étrange » mis à la mode avec les théories du chaos, et ce qu'elle nomme domaine d'ergodicité. Mais la systémique observe que s’il y a propension à retrouver un certain état d’équilibre dit final après une perturbation, celui-ci peut sembler correspondre à un programme, sans qu’une telle programmation existe pourtant réellement, et donc de programmeur.
La question de l'Intentionnalité est aujourd'hui encore une question centrale, par exemple en matière de politique et d'économie. Avec Aristote, il est sous-entendu que tout être-système vivant est le résultat de l'intention de son créateur, car tout être-système, artificiel ou naturel, a nécessairement un créateur. Or avec la Systémique moderne nous avons pris conscience avec Darwin que les systèmes naturels n'avaient pas forcément de créateur, Dieu, comme le soutiennent les Créationnistes. Avec la Systémique on peut se donner la possibilité de faire « comme si » il y avait une finalité concernant les organes ou les agissement d'êtres vivants, mais en gardant à l’esprit qu’il s’agit là d’une simple commodité. A l'inverse, tous les systèmes artificiels ne sont pas forcément intentionnels, c'est-à-dire pensés délibérément par un ingénieur visant une Cause Finale. Ainsi une voiture est sans aucun doute un système artificiel intentionnel, dirigé par une Cause Finale volonté des ingénieurs l'ayant conçue. A l'inverse, nos diverses sociétés ou cultures si complexes sont bien des systèmes artificiels (puisque de fait créés par l'Homme) mais aucunement résultat d'une Cause Finale, c'est-à-dire de l'intention de quiconque. Nos sociétés sont au contraire le résultat d'une longue histoire, de croyances, traditions, religions, cultures, guerres ou autres événements non écrits à l'avance, débouchant sur des situations économiques et sociétales qui auraient pu être tout autres... C'est ce que souligne F. Hayek, dans ses différents ouvrages en soulignant qu'il faut faire preuve de beaucoup de prudence -vichienne!- avant de partir « fleur au fusil » à vouloir modifier ainsi nos traditions, ou sociétés. C'est bien là toute la question de « l’ingénierie sociale », présomption fatale scientiste dénoncée par F. Hayek [ F. HAYEK, 1988] et également par K. Popper [K. POPPER, 1979]. En effet « l'ingénierie sociale » consiste à considérer que la société ou l'économie doivent impérativement être créés intentionnellement, délibérément, dans le but d'arriver à la société parfaite et à l'Homme Nouveau, car sinon les défauts observés dans la société ou l'économie actuelles ne se corrigerons jamais. Comme l'explicite K. Popper, on évoque bien ici les croyances scientistes du Marxisme, qui, partant de l'indignation fondée de K. Marx face aux abus de son époque, a cru pouvoir refonder totalement la société et l'économie par la croyance en une fin assignée de l'histoire (devenue Histoire) et donc une Cause Finale, intentionnelle, à savoir la dictature du prolétariat, nouveau paradis terrestre pseudo scientifique justifiant tous les totalitarismes et persécutions. De même on retrouve dans cette approche, celle symétrique du Nazisme, avec là aussi un avenir radieux, un fin assignée à l'histoire et un Homme Nouveau. Comme on le voit, les discussions sur la Cause Finale, sont loin d'être dépassées !

c) Finalité et Équifinalité - Ergodicité
Comme on l’a vu plus haut c’est ici qu’intervient l’Ergodicité d’un système, qui est cette propension à revenir à un état d’équilibre -dynamique en l’occurrence- après une perturbation. Cette capacité (puissance aurait dit Aristote…) vérifiable (réfutable !) et testable est alors qualifiée d’Équifinalité afin de bien faire comprendre que l’on se démarque des concepts de finalité et de finalisme aristotélicien pour s’inscrire dans l’observation des équilibres dynamiques dits « ponctués » permettant le retour à un ou plusieurs états dynamiquement « stables » dans un cadre d’évolution permanente. On peut évoquer l’image d’un homme qui marche en étant en état permanent de déséquilibre dynamique en vue de se maintenir dans l’état « final » ou plus exactement équifinal qui est la marche.

d) Création et Eco-Auto-Ré-organisation
On aborde alors à tout le débat (seulement évoqué ici) : création et créationnisme « religieux » contre éco-auto-ré-organisation et auto-organisation « athée ». L’éco-auto-ré-organisation systémique observe en effet que via une suite d’équilibres ponctués, le système peut évoluer pour se réorganiser en interne afin de mieux survivre aux fluctuations de son environnement, de son milieu, spontanément et sans avoir besoin d’une intervention extérieure humaine ou divine. Ceci s’expérimente en laboratoire avec par exemple les réseaux télécoms, les réseaux neuronaux artificiels (à condition d’être réétudié à la lumière de la Systémique et non du Positivisme), les flux de circulation automobiles, etc… On rejoint alors l’opposition étudiée plus loin entre immanence au plan systémique (ou animiste au plan religieux), versus transcendance plato-cartésienne au plan philosophique (ou monothéiste au plan religieux).
  • Analyse de la logique d’Aristote
Beaucoup assimilent à tort Aristote au positivisme parce que les syllogismes d’Aristote ont effectivement été à la base de la logique formelle (ici « formelle » n’a rien à voir avec la Forme d’Aristote).
Deux concepts ont été développés par Aristote :

a) Le syllogisme, et autres logiques : Tout A est B, or C est A, donc C est B.
On désigne par première : Tout A est B, par seconde : or C est A, par conclusion : donc C est B.
Il exact que le syllogisme a donnée naissance à la logique booléenne, logique formelle, logique des prédicats, etc. considérés comme faisant partie de la branche de la Logique des mathématiques, première des sciences « dures » pour A. Comte. Cependant, il ne faut pas oublier qu’Aristote a aussi développé d’autres sortes de logiques. Dans les Topiques : les syllogismes dialectiques, dont les prémisses sont probables et plus seulement vraies, et où il étudie méthodiquement toutes les formes de raisonnements autour de ces syllogismes dialectiques, en particulier certaines formes de discussions dialectiques dont les sophismes, paradoxes, etc.… Nous reviendrons sur ces syllogismes dialectiques plus loin en étudiant la Dialectique d’Hegel, puis d’Engels et Marx, qui n’ont rien à voir avec celle d’Aristote n’en déplaise aux matérialistes dialectiques qui se font valoir de la respectabilité de celui-ci pour soutenir leurs thèses (et antithèses…). Dans les réfutations sophistiques, Aristote traite des raisonnements volontairement déformés dans le but de manipulations. Enfin il a développé l’herméneutique, dans l’Organon, dont l’objet est l’étude des différents modes d’interprétation des textes, réutilisés récemment en Intelligence Artificielle, en Sémiotique et en Linguistique.

b) Logique dite analytique :
Principe d’identité : ce qui est, est. Noté (A=A),
Principe de non-contradiction : rien ne peut être et ne pas être. Noté (B ne peut être A et non A)
Principe du tiers exclu : tout doit soit être, soit ne pas être. Noté (B = A ou B = non A).
Cette dernière logique de part sa qualification d’analytique a suscité malencontreusement de vigoureuses attaques contre Aristote par J.L. Le Moigne et également A. Korsybski dans sa « General Semantic  ». Il vrai que celles-ci peuvent se comprendre dans le cas d’une lutte contre le positivisme régnant. Mais, par manque de connaissance d’Aristote, c’est l’ensemble de sa philosophie qui se trouve ainsi rejetée et qualifiée de cartésienne du fait de cette logique « analytique » et par conséquent comprise comme anti systémique. Ce rejet comme défendu dans cet essai est très dommageable car il fait passer à côté de tout le reste de cette philosophie, notamment sur les aspects de la Forme d’Aristote. Enfin, s’il est exact que cette logique est l’une des pierres de fondation pour Aristote, elle n’est que cela, et n’a jamais été positionné par ce philosophe comme pierre de clé de voûte comme l’ont fait Descartes et A. Comte. Comme on vient de le voir, Aristote a traité de nombreuses autres formes de logiques, adoptant ainsi une approche par multiples points de vue typiquement… systémique.
  • Analyse de l'Éthique d’Aristote [ARISTOTE, p240 à 268]:
Aristote cite 5 moyens de parvenir à la vérité : « ce sont l'art, la science, la prudence, la sagesse, et l'intellect. ». Après avoir rappelé que « toute connaissance qu'elle qu'elle soit est acquise, soit par induction, soit par syllogisme ». Il développe que les choses, les idées, théories contingentes ne peuvent être trouvées seulement par l'intellect. L'intellect pour Aristote ne peut trouver que les idées démontrables, ce qui est le cas des sciences, par les syllogismes. Pour les idées, théories, etc... contingentes, c'est à dire non démontrables directement et qui relèvent du domaine de l'induction, seule la prudence au cours d'une délibération, d'un dialogue -on retrouve la dialogique d'E. Morin- entre sages peut permettre d'avancer en vue de retenir l'hypothèse ou l'option qui semble la meilleure et cela dans le but de l'action. On se rapproche ainsi d'une manière nette de la dialogique projective du constructivisme épistémologique. Ce qui est normal dans la mesure où Aristote raisonne dans un cadre téléologique où le chercheur (ici le sage) doit rechercher la finalité d'un être ou d'une chose, tout comme la systémique va chercher l'équifinalité d'un système. Enfin, pour Aristote, « la tempérance sert à sauvegarder la prudence. C'est bien elle en effet qui sauve et soutient nos jugements pratique. ». C'est ce mode de vie, la tempérance, qui permet de rester suffisamment « stable » pour conserver ses capacités de jugement sur les choses contingentes. Elle permet d'accepter la délibération entre sages (nous dirions aujourd'hui experts pondérés), la remise en cause de ses opinions de manière à, précisément, quitter l'opinion pour adopter la raison. Enfin on retrouve encore le fait d'adopter de multiples points de vues, lors de la délibération, du dialogue, pour parvenir à véritablement faire le tour d'une question. Cette approche ne garanti pas bien sûr comme le souligne Aristote de parvenir à coup sûr à la vérité, c'est à dire à la meilleure décision/option dans l'absolu, mais autorise l'espoir d'avoir évité les erreurs les plus manifestes. On retrouve ici la notion moderne d'optimisation relative ou locale d'un problème, ou encore les solutions particulières des équations différentielles en mathématiques. Ainsi donc cette approche convient bien aux « sciences molles » (sociologie, psychologie, économie, histoire,...) où la logique pure -les syllogismes- s'applique mal, domaine où l'approche cartésienne échoue d'ailleurs le plus manifestement, comme le souligne de même les constructivistes épistémologiques actuels. On voit donc bien ici combien il est dommage que beaucoup des constructivistes rejettent en bloc Aristote sous l'influence de... Descartes et des positivistes (!) et de la caricature qu'ils en ont fait en ne retenant d'Aristote que les syllogismes qui ne sont pour ce dernier qu'un cas de figure parmi beaucoup d'autres.

SUITE du Blog : Théories alliées à la Systémique (Spinoza et Leibniz)

Benjamin de Mesnard

dimanche 9 novembre 2008

III) Théories alliées à la Systémique

III-1) Théories intégrées par, ou nécessaires à la Systémique :
III-1-1) Le Structuralisme

Le Structuralisme est tellement proche de la Systémique que l’on peut dire qu’il n’est pas autre chose que son équivalant purement philosophique, a-mathématiques, et francophone. Il s’est développé en parallèle de la Systémique puis s’est fondu en lui. Les nouveaux paradigmes apparaissent en effet souvent en plusieurs endroits avant de donner lieu au nouveau courant, paradigme, unique.
Ses thèses seront à titre indicatif analysées dans le tableau comparatif chapitre (IV-7). Le structuralisme a été insuffisant dans ses analyses sur les phénomènes d’organisation, de dynamique - on a beaucoup reproché au structuralisme son côté statique -, de récursivité, et de coordination interne des systèmes. Ceci vient de son absence de mathématisation, ce qui n’a pas été le cas bien sûr de la Systémique qui a été abondamment mise en équations et utilisées dans des modèles mathématiques et simulations sur ordinateurs dans de multiples domaines scientifiques. Notamment un argument souvent utilisé contre le structuralisme a été qu’il n’expliquait pas l’évolution des formes ou structures, alors que Darwin avait proposé une réponse un siècle auparavant. Enfin, le Structuralisme, notamment avec Louis Althusser, est déterministe, les structures déterminant entièrement le futur des êtres ou des objets, impliquant une dépersonnalisation des êtres humains réduits à de simples éléments jouets des structures.

III-1-2) Théorème de Gödel :

Kurt Gödel a démontré dès les années 20 que l’arithmétique ne pouvait se définir par elle-même, c’est-à-dire s’auto-définir par ses seuls axiomes constitutifs. Plus exactement, l’arithmétique ne pouvait démontrer sa validité interne par ses seuls axiomes et théorèmes. En s’en tenant à ceux-ci, on tombe inévitablement sur des propositions indécidables ou contradictoires. Dit en termes imagés on arrive à la situation où A est défini par B qui est défini par C qui est défini par... A, boucle tautologique récursive qui n'explique rien. Cette démonstration constituait la fin du rêve de parvenir à UNE Mathématique Unique, édifice stable s’auto-expliquant et se suffisant à lui-même. Ce théorème, dont le côté négatif a surtout été commenté, doit être vu sous le côté positif. En effet, il est aussi la démonstration de l’existence en mathématiques de couches -ou niveaux- de mathématiques, chacun englobant celui de niveau immédiatement inférieur. Ainsi l’algèbre « explique » l’arithmétique, comme l’a démontré Gödel dans son théorème car il est nécessaire de faire appel à un jeu d’axiome plus « fort », ceux de l’algèbre, pour démontrer la cohérence interne de ceux de l’arithmétique. A son tour l’algèbre ne peut démontrer sa validité interne par ses seuls axiomes et théorèmes, il faudra la placer dans un système d’axiomes plus étendus, « forts » pour y parvenir. Plusieurs jeux d’axiomes sont d’ailleurs alors possibles, ouvrant la voie à de multiples niveaux supérieurs englobant l’algèbre. Ce phénomène a été étendu à la géométrie avec la géométrie euclidienne englobée dans la géométrie de Riemann où la somme des angles d’un triangle ne sera plus égale à 180°. On retombe donc bien dans les concepts de la Systémique qui a généralisé en dehors des mathématiques ces notions. Loin de faire écrouler les sciences, le théorème de Gödel a au contraire permis un saut qualitatif vers le haut, l’ouverture du nouveau paradigme dont la Systémique est le résultat plusieurs années plus tard. Il faut aussi citer Gödel contre le reproche fait au cercle vicieux apparaissant souvent dans les approches scientifiques : « Aucun tout ne peut contenir des éléments ne pouvant être définis que par des concepts contenus dans ce tout lui-même ». Ce que mettent à jour de possibles cercles vicieux, c’est le besoin d’avoir recours à un niveau supérieur plus fort pour résoudre le cercle vicieux. Avec A. Sokal, il est utile de préciser qu’il ne faut pas trop vite généraliser le théorème de Gödel, qui a été fait uniquement sur l’étude d’un système formel dans le domaine des mathématiques. Cependant, la mesure de la variété d’un système (voir plus haut II-4-1-e), montre que le terme souvent employé ici de « force » (au sens de Gödel) est pertinent. Il ne faut donc pas aller sur des considérations par trop philosophiques sur l’impossibilité de se connaître soi-même ou autres. Mais le fait est qu’un niveau supérieur chargé de fonctions de pilotage de niveaux inférieurs, nécessite bien une variété plus forte, et soit donc plus fort (possède des moyens plus forts) au sens de Gödel.

III-1-3) Thermodynamique et théorie de l’information de Shannon :

La théorie de la thermodynamique est essentielle dans ce débat car elle a apporté plusieurs éléments qui ont été constitutifs par la suite de la Systémique. Il suffit de se rapporter au paragraphe (II-5-3) où il est exposé qu’un système est avant tout une structure dissipative en équilibre dynamique instable loin de l’état d’équilibre statique. La Systémique s’inscrit en apparence contre la 2° loi de la thermodynamique, car l’entropie d’un système fermé doit nécessairement augmenter au cours du temps. Cette contradiction n’existe pas car l’entropie globale augmente bel et bien en remontant assez haut dans les niveaux d’emboîtements des systèmes étudiés jusqu’au système global (l'univers) qui est effectivement fermé. En somme :
- Il s'agit ici en général des systèmes dissipatifs et non seulement biologiques comme on pourrait le croire quelque fois.
- La 2° lois de la thermodynamique n'est vraie que sur un système fermé.
- Un système dissipatif est, par définition, un système ouvert, au sein d'un environnement avec lequel il échange de l'énergie/ matière/ information.
- L'émergence de formes nouvelles par auto-organisation (néguentropie) au sein de ce système dissipatifs s'inscrivent bien dans la 2° loi de la thermodynamique par augmentation de l'entropie globale de ce système dissipatif + son environnement.

Cette exception à la 2° loi de la thermodynamique n'est donc qu'apparente, c'est un ordre local qui apparaît au prix d'un désordre global (entropie) encore plus grand. On note d’ailleurs qu’un système dissipatif contribue activement à accélérer l’augmentation de l’entropie du système dans lequel il se trouve. Ainsi, un moteur à explosion va dégager la grande majorité de l’énergie consommée sous forme de chaleur perdue, les rendements thermodynamiques des systèmes ne dépassant jamais quelques pourcents.
La théorie de la thermodynamique est doublement essentielle car elle est aussi le support de la théorie de l’information. Cette théorie est reprise par la Systémique comme expliqué en (II-2-1). Il y est décrit qu’il existe plusieurs types de flux dans un système : les flux de matières, d’énergies, et d’informations, clef des effets de rétro-actions avec ou sans retard et des fonctions de pilotages.

SUITE du Blog : Théorie apparentées à la Systémique (Aristote)

Benjamin de Mesnard