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dimanche 8 novembre 2015

V-14) Âme versus Esprit versus Corps


V-14-1) Chez Platon :

Pour Platon, l’Âme est le principe d’organisation de l’individu (la Forme platonicienne, Idée Immuable), indépendante de lui et préexistante à celui-ci. Elle « tombe » dans l’individu à sa naissance en venant du Monde des Idées, immuable et incorruptible, monde à part, parallèle à notre monde qualifié de « bas-monde » sur la terre. L’Esprit est l’actualisation individuelle de cette Âme dans l’individu, c’est l’Esprit incarné, c’est la Raison. Le Corps, lui, est la matière individuelle modelée par l’Âme, l’actualisation de l’Âme dans la matière Tout comme un moule va donner sa forme à la matière d’une pièce de monnaie, tout en restant indépendant de celle-ci. L’Âme est donc bien principe d’organisation de l’Esprit (Idée incarnée) et du Corps (Matière incarnée). Cependant chez Platon (repris par Descartes), Forme (Idée du monde séparé des Idées) et Matière (du bas-monde) sont complètement dissociés. Âme et Esprit sont donc vus comme découlant du même monde, alors que le Corps est intrinsèquement séparés de ceux-ci puisque découlant du monde de la Matière. 

V-14-2) Chez Aristote :

 On retrouve chez Aristote les mêmes définitions de base à la différence près que l’Âme n’est pas préexistante à l’individu, mais apparaît avec lui, en étant sa cause, tout en restant le principe d’organisation de l’individu, sa Forme, qui actualisera, modèlera, formera l’Esprit et le Corps. Comme chez Platon, Esprit et Corps sont les actualisations de l’Âme dans l’individu. A l’inverse, l’Âme contient en puissance l’individu lors de son apparition. Mais pour Aristote, l’Âme ne vient d’aucun monde, encore moins d’un monde séparé, elle apparaît (par un mécanisme non compris à son époque mais peu importe), puis préside à la création de l’Esprit et du Corps. Esprit et Corps ne sont pas dissociés complètement comme chez Platon car bien que de natures différentes, ils sont modelés simultanément et dans le même élan par le même principe d’organisation, l’Âme. Ils sont donc intimement liés, mélangés, comme le cuivre et la forme individuelle d’une pièce de monnaie sont liés. C’est pourquoi Aristote qualifie la mort de l’individu de « catastrophe ontologique », car alors pour Aristote, Âme, Esprit et Corps disparaissent simultanément. C’est d’ailleurs cette thèse qui a valu dans un premier temps l’interdiction d’Aristote -et de Saint-Thomas d’Aquin- par l’Église Catholique au Moyen-âge pour qui les thèses de Platon convenaient mieux pour soutenir la survie puis l’immortalité de l’Âme après la «catastrophe ontologique ». En passant on peut remarquer le très intéressant recyclage philosophique opéré par Thomas d’Aquin qui a su pervertir le concept d’Âme individuelle aristotélicien, en un concept redevenant subitement platonicien à la mort de l’individu pour prétendre que l’Âme pouvait survivre après la mort. En effet pour ce philosophe, a cet instant, l’Âme se souvient subitement du monde des Idées séparé de Platon pour le rejoindre (mais non y retourner comme le soutenait Platon) et y demeurer éternellement…

V-14-3) Chez Descartes :

Descartes ne pouvait pas différentier comme le faisait ses prédécesseurs l’Âme et l’Esprit du fait de son incapacité à comprendre les concepts de Forme. Pensant que tout part d’une « Tabula Rasa » où seul compte la matière, « l’Étendue », qui se suffit à elle-même, la Forme n’existant pas, par conséquent Descartes identifie l’Âme à l’Esprit. L’Âme n’a plus sa place, l’Esprit étant nécessairement Esprit incarné dans un individu, l’Âme étant propre à l’individu, Descartes résout l’apparente identité entre les deux en les fusionnant. Plus grave, pour Descartes, d’une part l’Esprit est une substance au même titre que la matière (donc le Corps), et d’autre part, Esprit et Corps sont deux substances séparées, totalement dissociées, distinctes et indépendantes, c’est le dualisme cartésien. Cette dichotomie, est portée à son paroxysme par Bergson ou par la mode des esprits (des revenants) apparaissant sous des aspects fantomatiques et vaporeux au XIX° siècle. L’individu n’existant que par un « lien mystérieux » (dixit) entre le Corps et L’Esprit. Certaines questions insolubles alors apparaissent cependant comme par exemple : comment se fait-il que mon bras se lève effectivement lorsque mon Esprit veut qu’il se lève puisqu’ils sont complètement séparés ? Ou bien : combien pèse l’Âme qui s’échappe du Corps lorsque le mort survient ? etc.…

V-14-4) Chez Spinoza :

Spinoza a pris clairement une position holistique en opposition affichée à Descartes sur cette question. Rejetant le dualisme cartésien, il est donc proche d’Aristote, mais en soutenant l’immortalité « d’une partie de l’Âme » appartenant à la substance unique. Il pensait la substance comme cause d’elle-même : « J’entends par cause de soi ce dont l’essence enveloppe l’existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante. » (Spinoza dans Ethique I). La substance –contrairement aux matérialistes comme on l’a vu au sujet de Spinoza en (III-2-2)- est à la fois Forme et Matière et non Matière seule. Cette position à certains égards peut-être comprise comme proche de la Systémique car celle-ci soutient elle aussi qu’il est impossible, pour un système donné, de séparer la structure/forme de la matière sinon à découper (choix arbitraire comme on l’a vu) le système en sous-systèmes eux-mêmes structurés et organisés (Forme et Matière à nouveau) sans jamais tomber sur une matière informe d’un côté et une structure/forme immatérielle de l’autre. Il ne faut pas oublier ici, comme indiqué en (III-2-1) qu’Aristote, bien antérieurement précise : « chaque ordre inférieur est pour l’ordre supérieur une matière à laquelle celle-ci donne une forme », Spinoza et la Systémique, reprendront donc cette idée. De même, la substance unique et infinie de Spinoza n’est pas non plus Platonicienne car elle n’est pas comme dans le monde des Idées de Platon, Formes pures uniquement, mais encore une fois Forme et Matière. A cet égard on peu dire que Spinoza soutenait une position Immanente, Dieu et Nature étant la même chose. 

Apport de la Systémique :

Moyennant toute la transposition des termes déjà vue, la Systémique est effectivement proche d’Aristote et radicalement opposée à Platon et Descartes. Toujours dans l’exemple de l’être humain, l’Âme d’un individu pourrait être assimilée à son code génétique nouvellement constitué par la fusion des deux paires de gênes issues de ses parents, c’est le mode d’apparition non compris du temps d’Aristote ; et apparaissant donc bien à la « naissance » -la conception plus exactement- de l’individu. On parlerait aujourd’hui plutôt d’information que de Forme. Le Corps est bien « modelé » par ce code génétique lors de la gestation en suivant un schéma de développement systémique hypercomplexe mais précis. Cependant la Systémique positionnera plutôt l’Esprit, la conscience notamment, comme un phénomène émergeant très progressivement avec la maturité de ce nouvel être-système qu’est l’être humain. Cette conscience, comme la brillamment décrit J. Piaget, va se construire progressivement dans les premières années de l’enfance, lorsque l’enfant réalisera petit à petit qu’il est un individu séparé de sa mère, séparé du monde mais dans le monde et que son corps forme un tout qui lui appartient. Il va de soi que la question de l’immortalité de l’Âme soutenue par Thomas d’Aquin trouve dans ce schéma une réponse malheureusement évidente…

 SUITE du Blog : V-15) Référentiel Absolu versus Relatif

Benjamin de Mesnard
Épistémologie Systémique Constructivisme 

jeudi 29 octobre 2015

V-13) Finalisme versus Mécanisme


Le finalisme, soutenu entre autres par Aristote comme vu plus haut via la cause finale, affirme que tout être-système naturel est dirigé depuis -comme aspiré par- son futur propre, vers son état final. De ce type de pensée découlent un certain nombre de croyances fatalistes, considérant que le futur est déjà plus ou moins écrit. Beaucoup de religions monothéistes ou polythéistes et leurs églises défendent cette approche. Cela se comprend car c’est bien sûr la main de dieu –ou des dieux- qui est vue derrière la cause finale, de la même manière que la main de l’ingénieur se voit derrière un système artificiel. Tout devient alors simple : les systèmes naturels sont assimilables aux systèmes artificiels, seuls leurs créateurs diffèrent. Le mécanisme considère au contraire que chaque être ou objet naturel n’est que le résultat de causes matérielles identifiables, sans qu’aucun être ou objet naturel ne s’inscrive dans une finalité. Le débat pour les objets artificiels ne se pose pas, l’ingénieur humain ayant créé cet objet faisant clairement fonction de cause finale. Ces deux positions se sont très violemment opposées au cours de l’histoire. Elles semblent encore aujourd’hui poser un clivage fort en philosophie ou en épistémologie. Le structuralisme l’a évité en niant le temps, comme le platonisme avant lui. Le Marxisme l’a posé au contraire en termes les plus puissants par la sur-détermination de l’histoire des classes via les infrastructures historiques, où le destin de la classe ouvrière est inévitablement de prendre le pouvoir (la dictature nécessaire et inévitable du prolétariat)... mais sans jamais démontrer pourquoi et en quoi le prolétariat devait ainsi gagner. De même le Nazisme posait à priori la suprématie de la « race » aryenne dirigée par la cause finale consistant à soutenir qu'elle était destinée à dominer l'ensemble de la planète à la fin de l'histoire. On voit bien que la cause finale sous la forme Historiciste se développe toujours à travers des régimes totalitaires, comme le démontre par exemple K. Popper dans « La Société Ouverte et ses Ennemis ». A l'inverse, ce sont les régimes démocratiques et libéraux qui ne seront pas Historicistes, ne rechercherons pas la thèse d'une cause finale, d'un destin grandiose particulier. Du côté de la science moderne, à partir de la Renaissance, celle-ci n’a pu se développer qu’en luttant vigoureusement contre le finalisme de l'antiquité (celui d'Aristote notamment) et du Moyen-âge (celui de Thomas d’Aquin entre autres). Comme le décrit T. Kuhn, la science moderne s’est trouvée un paradigme -le mécanisme- et a dû lutter violemment (rappelons-nous le malheureux Galilée et plus encore G. Bruno condamnés par l’Église Catholique) pour parvenir à s’imposer contre l’ancien paradigme. La cause finale a donc été rejetée en bloc, imposant un mécanisme caricatural, même lorsque soutenu par de grands savants comme Laplace ou Newton. Cela se comprend car en effet il est probable que le finalisme « proposant » une raison évidente au comportement des systèmes naturels (dieu ou les dieux) bloque de fait toute réflexion et besoin de comprendre ce qui fait bouger, agir ces systèmes.

Apport de la Systémique : La Systémique applique le précepte téléologique : interpréter l'objet non pas seulement en lui-même, en le disséquant, mais aussi par son comportement. Il faut donc comprendre ce comportement et les ressources qu'il mobilise par rapport aux projets que, librement, le modélisateur attribue à l'objet. Ceci est la démarche suivie par la Systémique tant pour les systèmes artificiels intentionnels (ce qui ne pose pas de débat philosophique) que pour systèmes inintentionnels naturels ou artificiels (société, économie,...). La Systémique réponds ainsi à sa manière à la question philosophique du Finalisme opposé au Mécanisme. Aujourd’hui, avec la nouvelle approche de la Systémique, il s’agit de lutter (au sens de T. Kuhn) à la fois contre les deux approches purement finalistes et mécanistes, surtout dans leurs versions idéologiques politiques ou religieuses, pour imposer le méta-paradigme systémique. A nouveau, Mécanisme et Finalisme pourront être vus comme des outils de pensée heuristiques, utiles à certaines étapes de l’étude, à manier sans idéologie, avec une prudence toute vichienne comme décrit en (II-3-6-b) et en écartant tout scientisme positiviste ni présomption fatale comme demandé par F. Hayek.

 SUITE du Blog : V-14) Âme versus Esprit versus Corps

Benjamin de Mesnard
Épistémologie Systémique Constructivisme 

lundi 17 mars 2014

V-8) Créationnisme versus Évolutionnisme

Voir le (III-2-6) sur Darwin où l’évolutionnisme a été traité. Comme évoqué au paragraphe précédent (Transcendant vs Immanent), les Créationnistes soutiennent à l’opposé de Darwin que le monde a été créé à une certaine date récente, conformément aux écrits de la Bible (par exemple en l’an -3900 environ, un représentant de l’Église Catholique ayant même précisé le jour et l’heure). Chaque espèce vivante a été créée à ce moment, celles disparues et celles existantes. Les restes archéologiques que l’on peut découvrir, dinosaures et autres, n’étant que des ossements d'espèces qui n'ont jamais existé sinon sous la forme de ces ossements, créés simultanément avec celles qui ont survécu de nos jours. Pourquoi Dieu s'est-il donné cette peine ? Nous ne savons pas. En passant, on peut noter qu'en acceptant cela, ils acceptent implicitement une certaine idée de sélection naturelle... Dieu lui-même nous suggérant sans doute que des espèces ont disparues, même si leurs restes ont été posés là intentionnellement sans qu'elles aient réellement existé. Les Créationnistes rejettent toutes formes d’évolution, ou de changement dans le temps, des espèces. Les espèces étant figées, l’argument récurrent est qu’il est impossible qu’un animal d’une espèce donne naissance à un animal d’une autre. Il est vrai qu’avec un monde ayant un peu moins de 6000 ans d’existence, il est difficilement imaginable d’envisager une évolution conséquente des espèces... bien que l'on voit muter en l'espace de quelques mois les virus, microbes, ou des quelques années des plantes ou animaux plus sophistiqués, etc... Le créationnisme par ailleurs, devant l’argument que le monde (la terre) a 4 milliards d’années d’existence en non 6000 ans, avance que le temps ne peut être le créateur des espèces. Cela n’a jamais été soutenu par l’évolutionnisme, le temps, au demeurant très long, de 4 milliards d’année n’étant que le cadre dans lequel les espèces évoluent, cette évolution étant propre au système « espèces+environnement » dans la durée et non une propriété propre au temps. Il est intéressant de noter ici que les Créationnistes n’intègrent pas le temps, tombant sur le même blocage que les Structuralistes et les Positivistes, dans une approche platonicienne alors même que l’Église Catholique a choisi Aristote avec Thomas d'Aquin. Enfin, on peut noter que les Créationnistes imposent une lecture littérale de la Bible, ce qui n’est pas une position de toutes les églises chrétiennes, dont beaucoup considèrent ce texte comme une parabole, une histoire imagée, dont il faut retenir les messages et non une histoire vraie (variables au demeurant selon les traductions). Exemple : pour certains spécialistes des langues anciennes employées à l’époque de (ou des) rédaction(s) de ce passage, Adam a été un terme traduit par les grecs en « homme particulier, individu », alors qu’il signifierait « Homme, Humanité » en réalité. Ce simple point montre combien est fragile une lecture par trop littérale de ce texte. Dans ce cas en effet, on supprime d’un seul coup l’opposition supposée avec l’évolutionnisme, sans changer les messages culturels, religieux et moraux du texte… L'humanité étant là, existante à ce stade de la narration biblique, sans contradiction avec les thèses évolutionnistes. Enfin, il existe une version « douce » du Créationnisme, soutenu par l'église Catholique de nos jours, où la théorie du Big-bang est considérée comme « convenant bien » (dixit). Dieu aurait créé le monde lors du Big-bang, en incluant les 13 milliards d’années qui ont suivit, programmées en quelque sorte dès le départ. C’est la thèse de Teilhard de Chardin, de l’alpha et de l’oméga. Mais que se passe-t-il si demain les scientifiques mettent à la mode un nouveau paradigme où il n’y a pas de Big-bang ? Il est curieux de voir ainsi l’approche philosophique d’une religion s’enfermer dans une théorie scientifique particulière qui peut être réfutée demain. A l’inverse, il serait ainsi ici parfaitement possible de considérer un monde éternel ou cyclique dans le temps physique mais restant « engendré » par un dieu unique lui-même en dehors de ce temps physique.... De même comme nous l'avons déjà vu au paragraphe précédent, il existe une version douce du créationnisme avec « l'intelligent design ».

Apport de la Systémique : Comme vu en (III-2-6), la Systémique est clairement du côté de l’évolutionnisme dont elle réutilise beaucoup de concepts, on peut revenir sur le comparatif Darwin/K. Popper en (III-2-9). En passant, comme noté en (V-7) précédent, le Créationnisme est donc implicitement dans une approche Transcendante alors que l’Évolutionnisme est lui, toujours implicitement dans une approche clairement Immanente.

 SUITE du Blog : V-9) Aristote versus les approches scientifiques modernes (Empirisme)

Benjamin de Mesnard

samedi 6 septembre 2008

II) Présentation détaillée de la Systémique (2/8)

II-3) Les Concepts de Base :

II-3-1) Totalité et Globalité :


Il faut insister sur la notion de totalité, de globalité en Systémique. Pour cela quelques références :
  • le tout est différent quantitativement et qualitativement de la somme de ses parties ”.
  • non réduction d’un tout à ses parties ”.
  • “ la partie ne s’appartient pas elle-même : elle relève du tout, en tout ce qu’il est ” (Saint Thomas d’Aquin).
Il faudra revenir sur le débat entre l’émergence du tout dû aux inter-relations en jeu dans son organisation et la théorie des Essences chez Aristote, voir plus loin : Émergence en (II-5-1).

II-3-2) Interactions, interrelations :

Ici la causalité linéaire cartésienne cause-effet est abandonnée au profit de multiples formes de relations à l’intérieur ou à l’extérieur d’un système :
• Cause - effet classique :

• Causes en cascades :

• Enchaînement de causes/effets avec effet rétroactif :


• Cause plus retard temporel - effet :


• Rétroaction avec retard temporel : cause A - effet/cause B - effet/cause C - effet/cause B à nouveau avec retards temporels plus ou moins longs voire variables :

• Une rétroaction (feed-back) peut-être positive (amplification ou source de « mutations » ou d’émergences comme nous le verrons plus loin) ou négative (régulatrice ou compensatrice).

• Rétroaction indirecte, avec ou sans retard : plusieurs effets/causes intermédiaires, en cascade, croisées ou non, dans la boucle de rétroaction :


• Rétroaction avec effet de réservoir, ce réservoir étant capable de retenir une certaine quantité de matière, énergie ou information qui pourront être libérés ultérieurement et dans un ordre différent de leur ordre d’arrivée et de stockage.

• Interactions ou rétroactions non linéaires.

• Élément provoquant une cause/effet intermédiaire favorisant une boucle de rétroaction ou un processus, sans être lui-même impacté par ce processus, appelé catalyseur.

L’association de boucles de rétroaction avec des retards temporels provoque de nombreux effets pervers « inattendus » pour les cartésiens. Ce sont ces interactions qui, lorsqu’elles sont prises en comptes, détruisent les solutions abusivement simplificatrices.

Interactions et interrelations sont des concepts clés en Systémique. Car pour prétendre connaître un système, et donc le monde réel, il ne suffit pas de connaître ou identifier les « choses », mais surtout connaître et identifier les relations, interactions et interrelations entre elles. C’est ce que souligne H. Poincaré : « Ce que [la science] peut atteindre, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, comme le pensent les dogmatistes naïfs, mais seulement les rapports entre les choses ; en dehors de ces rapports, il n’y a pas de réalité connaissable. ». [POINCARÉ Henri, La science et l’hypothèse, Paris, Flammarion, 1902, p. 25]. Il ajoute : « La science, en d’autres termes, est un système de relations. Or, c’est dans ces relations seulement que l’objectivité doit être cherchée. [..]. Dire que la science ne peut avoir de valeur objective parce qu’elle ne nous fait connaître que des rapports, c’est raisonner à rebours, puisque précisément ce sont les rapports seuls qui peuvent être regardés comme objectifs. ». [POINCARÉ Henri, La valeur de la science, Paris, Flammarion, 1905, p. 181]. De même avec L. von Bertalanffy : « La science n’a rien à faire avec l’« essence interne » des choses ; elle s’occupe exclusivement des « lois », des relations formelles existant entre les « choses ». » [Bertalanffy L. von, « Theoretische Biologie – Band I: Allgemeine Theorie, Physikochemie,Aufbau und Entwicklung des Organismus », Berlin, Gebrüder Borntrager, 1932, p. 24.].

II-3-3) Organisation :

C’est à l'intérieur de l’organisation du système que des interactions peuvent être relevées. On observe deux aspects : l’aspect structurel (organigramme) et l’aspect fonctionnel (programme).
Pour certains auteurs le structurel est ce qui demeure fixe, permanent, en fait plus exactement qui évolue par crises, par bonds, comme l’a montré le platonicien René Thom. Le fonctionnel évoluant continûment (ou discrètement au sens mathématique ou informatique du terme), face à une ou des perturbations extérieures jusqu’à un nouvel état stable de moindre énergie. F. Hayek parle de mouvement lents versus de mouvements rapides pour meiux faire comprendre que cette frontière est floue et qu'il faut se garder de toute dichotomie plato-cartésienne ici encore....
Une organisation peut par ailleurs évoluer sous la pression de son environnement, ou sous sa propre action, c’est le concept du constructiviste épistémologique d’E. Morin d’eco-auto-re-organisation :
  • Eco : fonctionnement de l’organisation dans son environnement (synchronique),
  • Auto : auto-organisation du système pour faire face aux changements de son environnement ou bien encore à des changements internes (vieillissement par exemple),
  • Re : transformation profonde (émergence) au cours du temps dans la poursuite d’un but, d’un objectif, donc téléologique, voire, pour certains auteurs, finaliste (diachronique) : c’est la prise en compte de l’histoire. Cette émergence peut être vue comme l’atteinte d’une équifinalité et non finalité, à travers une ergodicité du système via un processus dialogique, -et non dialectique…- ou plus exactement multi-dialogiques entre sous-systèmes en coopétitions.

Nous reviendrons sur le concept d’organisation qui est souvent confondu avec celui de structure.

SUITE du Blog : Les Concepts de Base (2)

Benjamin de Mesnard