jeudi 19 novembre 2009

V-5) Réductionnisme versus approche holistique


Comme décrit plus haut avec Descartes, le réductionnisme est la méthode Cartésienne consistant à découper le réel en parties de plus en plus petites jusqu’à obtenir la compréhension complète de chacune d’entre elles. Implicitement, on considère donc que cela suffit et que la somme des connaissances de chacune des parties représente correctement la chose initiale étudiée.
L’opposition entre le réductionnisme et une approche holistique peut être résumée par les points suivants :
a) Critère d’évidence cartésien versus critère de pertinence prudente du choix de découpe du sujet/objet à étudier par rapport au reste du réel ;
b) Critère de réduction/division simplificatrice versus l’approche holistique, globale, multicritères, s’appuyant sur plusieurs types de modèles et angles de vues ;
c) Critère de la simplicité supposée du petit élément découpé versus prise de conscience que « l’élément » n’est rien d’autre qu’un sous-système lui-même hypercomplexe ;
d) Critère de causalité directe versus étude des fins du système (intentionnalité) par approches téléologiques des équifinalités et des ergodicité du système ;
e) Critère d’exhaustivité versus recherche pragmatique d’un optimum de compréhension minimum du système, en restant conscient des insuffisances de nos approches ;
f) Critère de certitude, d’arrogance de la science versus prise de conscience de nos incertitudes (pas seulement quantiques), de prudence et d’humilité vichienne de la science face à la complexité du réel.

Le réductionnisme peut donc être vu :
  • soit comme la première étape d’une opération correcte d’analyse, ceci, n’est valable que si cette phase est bien menée dans cet esprit, et est bien suivi des autres telles que décrites par la Systémique (voir II-3-6-b). Même la question de la non prise en compte de la sensibilité aux conditions initiales par Laplace, peut être un outil utile si cette opération est faite en spécifiant le degré d’incertitude volontairement accepté, incertitude normale des mesures (laissons de côté ici l'incertitude quantique), dans le but d’analyser un système sur un point particulier avec l’optique d’une théorie particulière à réfuter le cas échéant au sens poppérien du terme.
  • soit comme erronée et insuffisante car menée dans un esprit cartésien, ignorant les concepts systémiques.
Dans tous les cas, et comme il a déjà indiqué ici, il faut prendre garde à ne pas découper aveuglément le réel dans cette phase, cette découpe pouvant cacher des présupposés plus ou moins inconscients chez le scientifique menant cette phase. Plusieurs découpes du réel sont possibles dans pratiquement tous les cas, chaque découpe pouvant cacher des propriétés globales du sujet d’étude qui pourront être rendues visibles par d’autres découpes/approches.
On retrouve ici la question des modèles et des simulations dont les différents types, surtout lorsque le sujet d’étude est complexe et non simplement compliqué, apportent autant d’éclairages enrichissants de ce sujet.
Il est possible ici d'évoquer l'image du macroscope de J. de Rosnay, où le réductionnisme serait un zoom avant (un microscope) alors que l'approche holistique/systémique serait un zoom arrière. Descartes et le réductionnisme sont l'équivalent du zoom maximum, en grossissement maximum où l'on voit les détails de la carte, mais où l'on perd la vision globale de celle-ci. Le débat n'est donc pas de dire que cette approche, cet angle de vue, est mauvais, mais de dire qu'il est nécessaire mais pas suffisant. A deux titres :
  • risque de faire un zoom maximum sur un seul endroit de la carte en ignorant les autres
  • besoin de faire des zooms arrières pour récupérer une vision globale holistique de l'ensemble de la carte.
  • besoin de repartir en zooms maximum OU intermédiaires pour focaliser à nouveau sur un autre détail, à un autre endroit de la carte.
  • l'approche systémique c'est l'ensemble de cette démarche, ce n'est pas seulement le zoom arrière de vue globale de la carte. C'est bien l'ensemble des deux en une série de zooms avant et arrières incessants en allers-retours qui permettent précisément l'approche par multiples angles de vues, comme le recommande Leibniz (voir III-2-3) et par différents avis prudents, c'est la phronesis d'Aristote ou de la prudence de Vico.
On retrouve cette incompréhension très souvent, ainsi dans le site de la Fondation Constructiviste, on trouve un article très intéressant sur le supposé échec du constructivisme en éducation, sur le constat que l'application de l'approche par seule implication de l'élève dans l'enseignement ne suffit pas et donne un bilan décevant en terme de quantité de choses apprises par ce dernier. Ce constat relève simplement de cette incompréhension : il faut opérer par un mixage des méthodes d'enseignement en alternant sans idéologie :
  • l'apprentissage par « méthode directe » où que l'on peut qualifiée de méthode magistrale où l'élève absorbe directement les connaissances, voire apprend par cœur. Cette méthode est plus rapide à court terme mais démotivante pour l'élève et le professeur à terme.
  • l'apprentissage via l'auto-découverte par l'élève où celui-ci reconstruit les connaissances, certes plus lente à court terme, mais beaucoup plus motivante pour l'élève et son professeur. Méthode souvent à tort considérée comme exclusivement constructiviste, alors que la véritable méthode constructiviste consistera entre l'alternance des deux, tout comme les successions de zooms avant et arrière cités plus haut.
Apport de la Systémique : La Systémique accepte la réduction (mais non le réductionnisme c’est-à-dire la réduction érigée en méthode absolue comme l’a fait Descartes), comme une étape d’un processus délicat et à risques décrit en (II-3-6-b) dans la méthode systémique. Il s’agira donc de découper le réel –au sens du constructivisme- en pleine conscience que ce découpage « arbitraire » peut entraîner des artefacts dont il faudra savoir tenir compte.

 SUITE du Blog : V-6) Relativisme versus Absolutisme

 Benjamin de Mesnard