mardi 26 août 2014

V-11) Internalisme versus Externalisme


Dans la recherche d’un point de départ stable en vue de se bâtir des théories scientifiques, l’internalisme va rechercher cette stabilité à l’intérieur même de l’esprit du chercheur. Éliminant toutes interférences, croyances parasites, il arrive au bout d’un long travail d’introspection, par analyse de ses états mentaux, en méditation et en recueillement, au seul point incontestable : « je pense donc je suis ». On aura reconnu naturellement Descartes, le plus brillant représentant de cette démarche. Repartant de ce point fixe stable et incontestable –selon lui- il va retrouver par la démarche « géométrique », c'est-à-dire la méthode employée par les mathématiciens pour faire de la géométrie, toutes les lois universelles de la nature. Cette méthode géométrique est déductive, il suffit en effet selon Descartes de dérouler la suite des maillons simples du raisonnement pour arriver à ce résultat sans possibilité de se perdre, car se fiant au bon sens et à cette chaîne des maillons de l’évidence intuitive. L’internalisme se rattache à l’idéalisme et à Platon car comme le dit R. Pouivet : «  l’internaliste considère que l’action volontaire suppose une volition, c'est-à-dire une entité interne qui est la cause de l’action. En revanche, l’externaliste pense que l’action volontaire suppose des dispositions (capacité à l’action volontaire) propres à un agent, mais pas un état interne particulier sous forme d’une volition motivant l’action » [POUIVET, Roger, 1997, p 124]. Cette entité interne n’est autre que l’esprit, l’âme platonicienne et cartésienne séparée de la matière, du corps, et cause de la volition.
L’externalisme à l’opposé soutient que le monde étant externe au chercheur, lui étant imposé, non maîtrisé, largement incompris et le dépassant de loin en taille, diversité et complexité, c’est le « silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » de Pascal, ou « le réel voilé » de B. d’Espagnat, celui-ci ne peut par définition que partir de ce monde externe pour tenter de le comprendre. L’introspection n’apporte rien, sauf peut-être en psychologie, seul est utile l’étude de l’objet -le monde- par le sujet, ce sujet faisant d'ailleurs partie du monde. L’externalisme pense aussi que l’individu chercheur appartient à une communauté linguistique, culturelle, religieuse ou morale. Il n’est pas possible de se sortir, se détacher de cette communauté comme le pense Descartes, bien au contraire cela est une erreur comme l’explique G.B. Vico car c’est le moyen via la dialogique d'Edgar Morin de provoquer de nouvelles idées, possibles candidates à de nouvelles théories à réfuter le cas échéant.

Apport de la Systémique : La systémique est à première vue plus proche de l’externalisme car les systèmes modélisés, construits pour les besoins de la recherche ne le sont pas à la suite d’une introspection mais bien de l’observation construite et modélisée du monde extérieur (mais monde voilé) en adoptant si possible de multiples points de vues. Cependant la Systémique garde à l'esprit que le chercheur n'est pas séparé du monde, qu'il fait partie d'une culture, etc... et qu'il fait également partie d'un système (chercheur + objet étudié), le chercheur pouvant aussi perturber l'objet étudié. Avec la Systémique, il s’agit d’expliquer l’intérieur par ses fonctions téléonomiques vis-à-vis de son environnement et donc de l’expliquer par l’extérieur. Mais la systémique ne nie pas pour autant que le sujet chercheur se situe au sein d’un système englobant celui-ci et l’objet d’étude, les deux étant en interaction. On ne peut donc ignorer les présupposés du chercheur, sa culture, etc… qui est la communauté, la ville, le pays dans lequel il vit. En cela, la systémique n’est pas à proprement parler une forme de phénoménologie, encore moins transcendantale car la phénoménologie est internaliste. Enfin d’une manière qui rappelle la systémique, l’externalisme se rattache à Aristote. L’externalisme était la philosophie dominante puis a connu une éclipse avec la période internaliste cartésienne et positiviste avant de revenir de nos jours. Ainsi R. Pouivet explique : « l’externalisme nous renvoie à Thomas Reid et avant lui saint Thomas d’Aquin et à Aristote. […] La tradition philosophique dominante aurait été externaliste et l’internalisme serait une affaire récente. » [POUIVET, Roger, 1997, p 7].

 SUITE du Blog : V-12) Induction versus Déduction

Benjamin de Mesnard 
Épistémologie Systémique Constructivisme 

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