samedi 31 octobre 2009

V-4) Essentialisme versus Substantialisme


L’ontologisme (ou substantialisme) soutient que chaque être est un être intrinsèquement, et qu’il possède donc en lui-même (en son âme dirait Aristote) ses propriétés. C’est un en quelques sortes le principe des vertus (les vertus dormitives de l’opium par exemple) tant moquées par Molière qui n’explique en effet rien en définitive sauf qu’il est supposé vain de chercher les causes de l’action constatée de tel ou tel corps ou substance. La version moderne de l’ontologisme soutient plus simplement que le monde s’articule autour du principe très général d’être, de système, qui doit par conséquent être étudié avant tout en tant que tel dans toutes recherches. Cet ontologisme a déjà été remis en cause dès l’antiquité avec Démocrite et l’atomisme -à noter l’opposition entre atomisme et ontologisme - pour qui les atomes s’accrochaient entre eux au hasard de leurs rencontres. Au XX° siècle, la philosophie a essayé de trouver d’autres bases en tentant d’opérer une reconstruction complète après Kant qui a été en quelque sorte le sommet de la philosophie ontologique. Cette destruction/ tentative de reconstruction moderne s’est perdue dans les méandres d’un sol qui se dérobait toujours plus comme l'avait prédit Kant et confirmé K. Popper. 
Au cœur du débat sur l’ontologie, se trouve celui entre Essentialisme et Substantialisme. L’Essentialisme est défendu par les « platoniciens » (Descartes et autres), donc les idéalistes, tandis que le Substantialisme est défendu par les « aristotéliciens » (Spinoza entre autres). L’essence vient des idées “ tombées ” en notre bas monde, tandis que la substance est le mélange intime -ontologique- entre forme et matière. On voit bien alors la proximité entre les approches idéalistes et essentialisme, où l’Être est considéré comme un référentiel absolu stable comme les Idées de Platon. On retrouve cette opposition radicale tout au long de l’histoire de la philosophie sous diverses formes et divers débats quelques fois sous couverts de débats “ nouveaux ” ou débats “ modernes ” alors qu’il s’agit au fond toujours de celui-ci. Ainsi par exemple le débat en politique ou économie entre libéraux et socialiste. Les premiers croient implicitement que le système économique est substantiel, c'est à dire qu'il comporte intrinsèquement, en lui-même tout ce qui lui faut pour s'auto-piloter et s'auto-réguler (autonome). Les second croient au contraire que le système économique n'est pas auto-suffisant, qu'il a besoin d'un pilotage venu d'en-haut, d'une régulation externe, et donc essentielle (hétéronome). De même que les idées de Platon tombent dans un corps depuis le monde immuable des Idées essentielles, cette fonction de pilotage doit tomber depuis le haut (par exemple l'état marxiste centralisé ou tout autre état autoritaire/interventionniste) sur le système économique. On retrouve ainsi les liens idéologiques sous-jacents bien que quelque fois paradoxaux entre le socialisme et l'idéalisme alors que celui-ci se réclame du matérialisme... une fois de plus les extrêmes se rejoignent dans leurs oppositions. 

Apport de la Systémique : la Systémique se rapproche du substantialisme, mais à la manière d'Aristote. Car la Systémique ne perd jamais de vue que ce qui peut être interprété comme substance à un certain niveau du réel -ou pour un certain sous-système découpé dans le réel-, pourra être complètement redéfini ou remis en question via une autre découpe. C’est pourquoi la Systémique recommande fortement d’avoir recours à plusieurs approches/découpes simultanées dans l’étude du réel afin de vérifier et conforter ou au contraire infirmer (avec une prudence vichienne...) une conclusion quant aux propriétés « substantielles » de l’objet étudié. Le caractère substantiel est donc bien mis ici entre parenthèses car non seulement il n’est pas Essentiel avec un grand « E », mais est bien relatif à la découpe/approche adoptée pour l’étudier. Ainsi, -comme déjà évoqué- l’action d’un médicament sur un type de maladie, pourra être considéré dans l’approche d’un praticien au quotidien comme substantielle, alors qu’elle sera vue comme circonstancielle par le chercheur spécialiste du domaine qui sait que cette action dépend d’un jeu complexe d’interactions et inter-relations qui fait que celle-ci pourra ne pas fonctionner dans certains cas, voire déclencher des effets pervers dans d’autres. Ou encore en matière d'économie, un système de pilotage peut être vu comme externe au système piloté. Mais il peut être également considéré que le pilote (régulation) et le système piloté sont deux sous-systèmes au sein du même système. On retrouve ici sous une autre approche la nécessaire séparation des pouvoirs chère à Montesquieu. Tout cela, ne signifie pas pour autant que la Systémique soit une philosophie relativiste, car si les approches/découpes opérées dans le réel par le chercheur sont relatives à son point de vue ou à ses choix de recherches, le réel lui existe bel et bien.

SUITE du Blog : V-5) Réductionnisme versus approche holistique

Benjamin de Mesnard

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